Il s’était rencontré dans le plus pure des hasards. Rien ne prévoyait cette rencontre fortuite qui marquerait le début d’une relation vouée à l’échec. Et pourtant, ils étaient là, tous deux, dans ce petit bar italien mal éclairé. Il n’était pas du coin et elle, ses racines étaient ancrées au sol. Ils développèrent cet amour aveugle et fragile qui devait se terminer à la fin du périple du jeune journaliste étranger. Il lui promettait la lune et elle bâtissait leur avenir sur des illusions. Le destin se joua d’eux, apportant ce cadeau empoisonné du ciel. Talhia vit la lueur du jour une journée pluvieuse de mai. L’été tardait à pointer le bout de son nez dans cette Amérique qui n’était pas sienne. Le jeune couple avait poursuivi leur relation chez lui, croyant en leur capacité familiale. Elle l’avait suivi « car l’amour est plus fort que tout », ou presque… Ils vécurent sur leurs derniers instants de bonheur la première année. Ils aimaient ce petit être qu’ils avaient confectionné, comme n’importe quel parent. Toutefois, la gravité nous ramène rapidement les deux pieds sur terre. Ils n’étaient pas un couple solide. Leur relation ne devait pas être aussi longue. Rien n’avait été calculé. Il les a abandonnées sans regarder derrière. Aucune explication, aucun mot. Il n’y avait plus de nous, plus de famille; qu’un duo mère-fille aussi fragile que leur histoire. Elles retournèrent en Italie, renouant les racines abandonnées. Cependant, il y a des traces dans notre vie qui ne s’effacent pas; des pages de notre histoire qui ne peuvent être brûlées. La jeune Italienne vieillit avec cette culpabilité infinie. Elle n’avait pas été faite d’amour et d’eau fraîche; elle n’avait été que le fruit du hasard entre deux êtres qui n’auraient pas dû se rencontrer. Elle ne saura jamais les véritables raisons de ce départ, ne connaîtra jamais celui qui a participé à sa confection. La gamine grandira avec cette partie manquante. La Belle grandit avec ses questionnements incessants.  Elle se construira une muraille autour d’elle, vivant dans cette tour qui la cache à l’abri des regards. La jeune adolescente apprend à se cacher derrière son appareil photo qui deviendra une partie d’elle-même. Elle se confond dans la masse, photographiant la vie des autres.


Je dois partir maman… Il le faut. Elle devait partir pour mieux revenir. Talhia prétendra que c’était pour cette petite école d’art qu’elle avait trouvé en Irlande, voulant perfectionner sa passion et assouvir son envie de voir le monde. Ce qu’elle ne dira à jamais, la vraie raison de son départ : elle cherche à retrouver son géniteur, celui qu’il y a une vingtaine d’année lui avait offert cet amour faussement inconditionnel. La vérité anéantirait sa mère qui devait vivre un deuxième départ. La Brunette ne pouvait faire autrement. Elle devait retrouver ses pièces manquantes. Elle devait comprendre et savoir. Elle devait compléter son tableau inachevé. Talhia débarqua dans cette petite ville irlandaise, Sligo. Elle reprend ce même petit train de vie qui avait toujours bercé sa vie : une suite de routines quotidiennes, sans imprévu, sans dérangement. Elle venait pour recréer son histoire et non pour s’en créait une nouvelle. Et pourtant… En deux ans, elle ne connut jamais son paternel. Il était aussi bien caché qu’un évadé de prison. Elle enquêta pendant deux années entières. Elle apprit qu’il avait refait sa vie, qu’il avait une nouvelle famille. Cette nouvelle la brisa. Pourquoi sa première vie ne lui avait-il pas convenu? Était-ce elle le problème? N’était-elle pas assez mignonne? Ne lui avait-elle pas assez démontré de cet amour inconditionnel que les enfants ont pour leurs parents? Fallait croire que non. Elle n’avait pas été à la hauteur pour le retenir avec elles, ou du moins, près d’elle, seulement. La jeune femme qui ne venait en Irlande que pour renouer avec son passé ne fût pas au bout de ses peines. Elle n’aurait jamais cru que cela pouvait lui arriver encore. Elle n’aurait pas pensé qu’elle allait retrouver cette sensation; celle de sentir son cœur battre à la chamade pour quelqu’un, laisser passer quelqu’un derrière le mur de pierre qu’elle avait construit… Pourtant, c’est ce qui se produisit. Elle avait rencontré l’amour, mais probablement comme ses parents, pas en la bonne personne. Ils étaient tous deux d’un monde différent : lui, le dealer de drogue, elle, l’universitaire sage. Ils s’étaient laissé une chance, car personne ne le faisait pour eux. Ils y avaient cru jusqu’au bout. Jusqu’au moment où la réalité les a rattrapés. L’univers de son amoureux n’était pas fait pour elle, pas fait pour y vivre à deux. Tal’ l’apprit à ses dépens quand ce dernier se fit arrêter pour plusieurs accusations qui pesaient contre lui. Elle lui rendait visite dès qu’elle le pouvait. Puis il espaça les rencontre, jusqu’à totalement les refuser. C’en était trop. Trop pour une personne, trop pour un même seul cœur.



Un an. Un an que ce même cœur ne bat plus pour personne, sauf pour elle-même. Pas qu’elle est devenue égoïste, sans douceur, sans chaleur humaine… Non. Si sa forteresse était bien construite par le passé, maintenant elle était sans faille. La Belle Italienne ne veut plus souffrir ou se faire abandonner. Il ne lui restait qu’une option : les relations de courte durée. Celles qui ne demandent pas d’engagement, pas de sentiments. Ayant terminé son cursus universitaire et ce, avec une mention d’honneur, elle reçoit une offre d’emploi par un de ses professeurs qui possèdent une agence réputée de casting en Amérique. C’était une opportunité de rêve. Rien ne la rattachai à Sligo. Non, plus rien. Ce n’était pas un retour dans son pays et ce n’était pas non plus cette ville où tout lui rappelait son amoureux disparu. En un an, elle n’avait jamais eu de ses nouvelles. Talhia ignorait s’il était sorti de prison, s’il était encore vivant, même. Bien franchement, elle ne voulait pas le savoir. Elle empêchait sa curiosité de trop de se questionner. Il fallait l’oublier. Sinon, ce serait se faire souffrir inutilement. Elle déménagea et tourna la page. Elle ne s’empêchera plus de vivre par peur. Elle changera son mode de vie. Elle sortira, s’amusera, se fera un cercle d’amis… Elle ne serait plus la timide, elle ne sera plus qu’un élément du décor. Elle devait maintenant vivre que pour elle-même et ses envies. Les autres, ils feront bien ce qu’ils voudront. C’était un changement radical. La Demoiselle démontrait une nouvelle assurance. C’était fini de vivre dans la recherche de quelque chose. La passé n’occupait plus ses pensées : il n'y avait que le présent. À Santa Barbara que depuis quelques mois, elle vit sur ce nouveau départ qui lui donne des ailes. Elle ne se doute pas encore que les vents la conduisent dans la mauvaise direction. Directement vers tout ce qu’elle voulait éviter...