« Allez Nick s’il te plait ! Amène-moi avec toi ! J’te promets je dirais rien aux parents ! » Le Spring Break, j’étais encore trop jeune pour y aller. Mais Nick, lui y allait. Alors forcément, je voulais y aller avec lui. Je savais qu’il me m’arriverait tant qu’il était là. « Je t’ai déjà dit non Rox’ n’insiste pas, t’es trop jeune pour aller à ce genre de fête ! » Je râlais. Comme toujours quand mon frère me refusait quelque chose. En même temps, c’était tellement rare. Aussi, je me mis à lui faire un regard de chien battu, regard auquel il craquait en général. « Et ne me fais pas ton regard, je ne cèderais pas ».[/color] Ouais ouais ouais. J’avais du mal à croire qu’il allait me résister bien longtemps. « Mais toi, à mon âge tu y allais déjà au Sping Break ! J’te promets que je me ferais toute petite ! » Bon, certes, je savais à quoi m’en tenir, un Spring Break, c’est soirée et alcool à volonté. « Tu n’auras même pas besoin de me surveiller ! » Comme si il allait me lâcher dans une telle fête. Le problème, c’est que je n’avais rien à lui donner en échange de cette sortie. J’aurais pu lui dire que j’allais faire ses corvées ménagères, mais aucun de nous deux n’avions ce genre de préoccupations. « Bon, d’accord je t’amène, mais j’te préviens, tu restes avec moi » Je souris. Génial. Machinalement je lui sautais au coup « Merciiiiiiiiiii ! T’es le meilleur des grands frères ! » Honnêtement, je n’avais pas la moindre idée de ce qui l’avait fait changer d’avis. Mais peut importe. J’allais au Spring Break et avec mon frère en plus. Certains auraient râlé a entendre la condition posée par Nick, mais moi ça m’était complètement égal. Je savais que oui, il voulait que je reste pas trop loin de son champ de vision, mais il n’allait pas pour autant être sur mon dos.

Quelques semaines plus tard, nous arrivions à Cancun, mon frère, sa bande de potes et moi. J’étais impressionnée par le nombre de bars qu’il pouvait y avoir dans une aussi modeste ville. « Bon, Roxane, j’te préviens, tu peux t’amuser autant que tu veux, mais évite de finir en coma éthylique, sinon j’te laisse ici ». Genre. Comme si il allait me laisser ici. Enfin, de toute façon, je venais ici pour m’amuser et certainement pas pour finir à l’hôpital ou en cellule de dégrisement. « T’inquiètes pas ! J’ferais attention ! ». J’allais essayé du moins, parce qu’avec le monde, l’entrain, l’euphorie de ce genre de fête, faire attention à ce qu’on pouvait boire ou manger relevait du pur défi « Et Rox’, fait surtout attention à ton verre, une jolie blonde dans ton genre, ça attire les mecs pas cleans ». Ajouta un des amis de mon frère. Je le vis alors donner un coup de coude à son ami dans les cotes. « Eh ! c’est moi son frère, c’est moi qui lui dit c’qu’elle doit faire ». Je ris. N’empêche, il n’avait pas tort. J’avais lu pas mal de chose sur ce qui pouvait arriver pendant les Sping Break, et il était clair que la drogue du violeur faisait de sacrés ravages. « Vous inquiétez pas les gars, j’suis sure qu’il y en aura toujours un de vous pour veiller sur moi ! » La veille de notre départ, j’avais entendu mon frère discuter avec ses amis. Il leur avait demandé de garder un œil sur moi, dans la mesure du possible. C’est assez bizarre, je n’avais jamais vu mon frère aussi protecteur envers moi. Mais je comprenais quand même. J’étais encore mineure, dans un endroit où la plupart étaient déjà majeurs et sacrément bourrés alors que nous venions à peine d’arriver. Son inquiétude était légitime.

Driiiiiing driiiiiing « Allô ?! » Il était quoi sept heures du matin, huit heures peut être. Le jour commençais à peine à se lever et la ville à s’endormir. Visiblement, je venais de réveiller mon frère. « Nick ?! » Je reniflais, essayant de retenir mes larmes. « Roxane ? » Je sentis comme s’il venait de se lever, d’un coup. « Qu’est ce qui t’arrives ? Où tu es ? ». Je tremblais, j’avais du mal à tenir mon téléphone. « Je … », Je pris une grande respiration « Je crois que j’ai tué un homme Nick, je suis au coin du bar où on a passé la soirée ».J’avais du mal à rester calme, surtout avec cet homme inconscient devant moi. « Reste où tu es, j’arrive de suite ». De toute façon, je n’avais rien de mieux à faire. J’aurais pu appeler la police ou même le SAMU, ça aurait été sans doute plus raisonnable. Mais dans l’état où j’étais, je me sentais bien incapable de quoique ce soit. Mon frère arriva très rapidement, heureusement d’ailleurs. « Qu’est ce qui s’est passé ?! » Il n’avait pas l’air si contrarié que ça bizarrement. « Tu n’as rien toi au moins ?! » Il me prit dans ses bras. Le seul endroit où je me sentais réellement en sécurité. « Non, ça va, je n’ai rien » soufflais-je. J’essayais de me rappeler tout ce qu’il s’était passé « Mais lui, il… il est mort Nick ! » Avec tout l’alcool que j’avais pu boire, mes souvenirs étaient assez lointains. C’était comme si j’essayais de mettre bout à bout différents épisodes d’une série pour connaitre la fin. « Je crois qu’on a dansé ensemble, on a passé une bonne partie de la soirée tous les deux, il m’a payé un verre ». Je fermais les yeux, sentant les larmes y monter. « Je sais ça, vous étiez ensemble quand je suis parti, je n’aurais pas du te laisser seule avec ce gars ». Voilà maintenant qu’il se reprochait presque ce qui venait de se passer. « Et quand j’ai voulu partir, il m’a entrainé ici… Il voulait plus et je l’ai repoussé » Un peu trop violement visiblement. Il s’était cogné contre je ne sais quoi, sa tête s’était mise a saigné. Et c’était terminé. Jamais je n’aurais pensé que ça pourrais m’arriver. Non pas à moi. Mon frère se mis à ma hauteur et me regarda dans les yeux. « Ne t’inquiètes pas Roxane, je m’occupe de tout. Tu ne dis surtout rien à personnes et encore moins aux parents » Je n’en revenais pas. « Je, on ne va pas voir la police ?! » C’est vrai, pour moi, c’était la base quand même. Cet homme mort, il devait bien avoir une famille, des amis. Il devait compter pour des gens. « Pour quoi faire ? Tu veux finir ta vie en prison ? Et briser la carrière des parents par la même occasion ?! » Je soupirais. Non, certes je n’avais pas envie de finir ma vie en prison. Et j’avais encore moins envie de briser ma famille. « Non » répondis je simplement. Je crois que je n’étais plus capable de réfléchir à quoique ce soit. « Ecoute moi, je vais m’occuper du corps, tu rentres à l’hôtel, tu prépares nos affaires et on rentre à la maison. Une fois là bas, on avisera ». Aussitôt, je m’exécutais. Et le lendemain le jet privé d'un des amis de mon frère nous déposait à Santa Barbara.

Je frappais à la porte de la chambre de mon frère avant de passer la tête par l’ouverture. « J’te dérange ?! »ça faisait une semaine que nous étions rentrés et je n’arrivais pas à me sorti les images de cet homme mort de la tête. Je n’arrivais toujours pas à croire que je l’avais laissé là, enfin non, que j’avais laissé mon frère faire je ne sais quoi de son corps et que depuis je menais une vie normale. Enfin, normale tout est relatif « Non du tout, entre ». Je souris et m’exécutais. Il était à son bureau en train de regarder des papiers. Aussi, je m’installais sur son lit. « Dis moi Nick, qu’est ce que t’as fait de son corps ?! ça me rends folle de ne pas savoir ! » C’est vrai quoi. Déjà que j’avais la mort d’un homme sur la conscience, je devais me mettre en tête que jamais je ne saurais réellement ce qui s’était passé. « Blondie, on en a déjà parlé, tu ne sauras rien et crois mois c’est pour ton bien ». Mon bien, oui tout est relatif. Honnêtement, je ne savais pas comment j’allais aller mieux. J’avais tué un homme quand même « Je sais bien, mais comment tu veux que je passe à autre chose, si j’sais pas comment ça c’est fini ?! » Pour moi, plus j’en savais, mieux je pourrais m’en sortir. Oublier cet homme, stopper mes cauchemars. Mais pour mon frère c’était l’inverse. Moins j’en savais, mieux j’allais me porter. « Ecoute, j’ai une solution si ça t’intéresse. J’ai un ami à Tokyo qui serait prêt à t’accueillir au moins le temps que tu réussisses à passer au dessus de cette histoire » Je regardais Nick d’un air interrogateur « Non, je ne lui ai pas dit ce qu’il s’était passé, mais je crois que c’est le mieux pour toi, pour l’instant. » Je baissais les yeux vers le sol. Je n’avais pas envie de partir, mais fallait être réaliste. J’allais avoir beaucoup de mal à garder cette histoire pour moi, et si jamais quelqu’un apprenais ce qu’il s’était passé, ma famille entière allait exploser. « Surtout qu'ils ont besoin d'aide là bas avec ce qu'il vient de se passer, je suis sur que ça t’aidera à t'occuper l'esprit » C'est vrai. Le Japon venait de connaitre un des plus terribles drames de son histoire, et ils avaient sans doute besoin d'aide, d'argent pour se reconstruire. « C’est d’accord, je pars au plus vite ». Je crois que c’était la décision la plus dure de ma vie. « Prépare tes affaires, tu pars demain matin » A croire que mon frère avait déjà tout planifié. Le lendemain, nous étions tous les deux à l'aéroport, mes parents n'avaient même pas pris la peine de se déplacer. Je n’avais pas pris tellement d’affaires que ça. Après tout, j’allais sans doute rester un bon moment au Japon, alors à quoi bon prendre plein d’affaires ? Là bas, il avait déjà tout ce qu’il fallait. « Liam sera là quand l'avion atterrira. Il t’attendra » ça me faisait vraiment mal au cœur de partir comme ça. Pour la plupart des gens, je partais pour mes études, alors que c’était loin d’être le cas. Mes parents n’avaient même pas pris la peine de venir me dire au revoir. « Merci Nick, vraiment ». Il me prit dans ses bras. « C’est normal Blondie, n’oublie jamais ça, je t’aime p’tite sœur ». J’avais les larmes aux yeux. C’était la première fois que mon frère me disait cela. Puis, je me retournais en direction de l’hélicoptère. Adieu Santa Barbara.

Après cette histoire, je suis restée sept mois au Japon. Sept mois à découvrir un pays, une langue, des coutumes qui m'étaient inconnues, mais surtout sept mois à aider des populations qui en avaient besoin. Ce que j'avais vécu, à coté de ce que ces personnes là étaient en train de vivre me semblait finalement moins important. J'aurais aimé rester plus longtemps là bas, mais ma famille a eu besoin de moi, alors je suis rentrée. Depuis, je retourne là bas dès que je peux et je m'investis aussi, ici, à Santa Barbara. Ma dernière bonne action ? J'ai crée des vêtements pour les enfants malades de l'hôpital. Quand je repense à ce que j'ai vécu, un seul de leur sourire me remonte le moral. Et je crois aujourd'hui, que c'est grâce à ce genre d'actions que j'arrive à oublier ce qu'il m'est arrivé.