IF YOU ARE NOT DOING WHAT YOU LOVE, YOU ARE WASTING YOUR TIME // Owen tentait d'éviter du mieux qu'il pouvait le regard plein de repproches de son frère. Il détestait cette façon qu'il avait de le fixer, le mettant dans une situation inconfortable dont il ne pourrait se soustraire. La conversation qui allait suivre, le jeune Skidmore la connaissait à présent sur le bout des doigts, un peu comme une chanson entêtante que l'on chantonne inlassablement. Mais la musique avait au moins le don d'apaiser les moeurs : pas Bennet et son discours qui finirait par lui mettre le doute sans pour autant changer quoi que ce soit. « Fais vite, j'ai un examen important à réviser. » L'artiste de la famille poussa un soupire et s'installa sur le lit impeccable du cadet en repoussant avec mépris des photocopies du Code Pénal qui y trainaient. « Quand vas-tu arrêter de suivre ses désirs pour vivre ta vie ? » Owen haussa les épaules, « J'aime le droit, cela n'a rien à voir avec ce que veut papa. » Son interlocuteur grimaça sans se cacher, réprimant une forte envie de lui jeter un seau d'eau glacée à la figure dans l'espoir qu'il recouvre ses esprits. « Alors c'est devenu à ce point normal à tes yeux de te mentir à toi-même ? » Son interrogation resta sans réponse et Bennet sut qu'il ne tirerait plus rien de son frère qui avait feint se replonger dans ses révisions. Cette discussion n'avait jamais été aussi courte et le plus âgé des jumeaux s'éclipsa : il savait pertinemment que l'autre, malgré son apparence habituelle décontractée, était en ce moment même en proie à un important débat avec lui-même.

Enfermé dans son mutisme, Owen réfléchissait à la dernière phrase de son identique. S'il n'y avait pas donné suite, c'est qu'il s'était rendu compte qu'il n'avait pas de réponse à lui donner. Il s'était, dans un premier temps, soumis à la volonté de son père pour que Bennet puisse librement vivre sa passion pour la musique. Leur géniteur aurait surement était détruit de savoir que ni l'un ni l'autre de ses fils ne désiraient suivre ses pas et cela avait été sa façon à lui de satisfaire chacun des partis. Mais lui dans tout ça, que devenait-il ? Un pantin vivant une vie qui n'était pas la sienne ? Owen secoua la tête, chassant ces pensées indésirables qui le mettaient mal à l'aise : il ne voulait pas avoir à y songer. Ses yeux dérivèrent vers l'océan qui se dessinait derrière sa fenêtre : il avait vraiment besoin de faire un break.


THE HARDEST THING IN LIFE IS TO KNOW WHICH BRIDGE TO CROSS AND WHICH BRIDGE TO BURN // Le jeune Skidmore venait de fuir la maison familiale et ses problèmes qui s'y rattachaient, prétextant un besoin urgent d'aller à la bibliothèque dans le cadre de ses études. De nouveau, il avait volontairement omis la vérité mais à ses parents cette fois, ayant pleinement conscience qu'ils refuseraient strictement l'idée que leur fils prodige aille jouer les funambules sur une planche en pleine mer au détriment de ses cours de droit. Owen ne pouvait s'empêcher de se répéter que ses géniteurs ne le connaissait pas aussi bien qu'ils le prétendaient. Après tout, leurs échanges s'arrêtaient à des : Comment vont tes études ? ; Tu sais que c'est important, tu finiras par reprendre le cabinet. et autres formalités ne concernant que son avenir professionnel. Ce qu'il pouvait faire de son temps libre -si seulement ils s'accordaient la pensée qu'il en avait- peu leur importait en réalité.

Le surf avait toujours eu le don de lui libérer l'esprit, jamais il ne saurait expliquer à quel point sa peau collante par le sel et le bruit des vagues pouvaient lui faire oublier le moindre de ses soucis. « Joli style. » Owen était à peine sorti de l'eau lorsqu'un jeune homme à peine plus âgé que lui vint à sa rencontre. Il le remercia brièvement, déjà pressé de se soustraire à la présence gênante de l'apollon en maillot rouge, signe distinctif des surveillants de baignade. Celui-ci sembla lire en lui comme dans un livre ouvert et esquissa un sourire amusé apparemment ravi de réaliser que sa compagnie était pour le moins déstabilisante. « Pressé ? » Le Skidmore se gifla mentalement de son attitude puérile : certes il était à tomber -physiquement proche de tout ce qui pouvait lui plaire chez un homme- mais il se devait d'arrêter d'être si distant avec tout garçon qui venait entamer la discussion. Après tout, il n'était pas marqué gay sur son front : il était tout ce qu'il y avait de plus irréfutablement hétéro. « Mh. J'ai beaucoup à faire. » Il évitait avec soin le regard noisette de son interlocuteur comme le ferait un enfant prit en faute. « Dommage. » Il laissa s'échapper un ouais un peu plus sec qu'il ne l'aurait voulu pour toute réponse puis salua brièvement le surveillant avant de prendre ses jambes à son cou.  De loin, Owen entendit de nouveau la voix à présent familière : « J'espère qu'on se reverra. » et il ne sut si, à ce moment même, il devait détester cet homme et son attitude désinvolte ou simplement afficher un sourire flatté. Alors il fit les deux.

Peter Pan avait raison au fond : être grand ça craint.