Batailles de tarte à la crème, polochons brisés. « Rend moi le nounours Aoline ! De toute façon il t’aime pas, t’es moche ! »  Des cris, des pleurs, et des cheveux par terre. Camilla tenait une belle poignée de cheveux bruns dans ses mains alors qu’Aoline en tenait des blonds.  Sous les yeux ébahis de leurs camarades de classes, les deux fillettes de quatre ans se crêpaient le chignon. Encore. A croire que des éclairs se formaient dès que leurs regards se croisaient. Mais c’était de l’amour. Oui, de l’amour platonique beaucoup trop fort pour leur petit cœur d’enfant. Si fort, qu’il fallait qu’elles l’évacuent en se tirant les cheveux. Peut-être était-ce de la jalousie, ou peut-être de l’incompréhension. Mais en tout cas, toutes deux développaient une grande créativité. Chat moisi, souris crevée, singe borgne, les insultes devenaient de plus en plus originales et les punitions de leur parents de plus en plus fortes.
Et puis, vînt l’heure des mamans, comme les enfants le disent si bien. Chacun attendait se moment depuis si longtemps. Retrouver la douceur et les baisers de leur maman. Tous, sauf Camilla. Elle savait exactement comment la suite allait se passer. La maîtresse appellerait sa mère, puis celle d’Aoline et elles auraient un sermon interminable. Et une fois à la maison, elle serait punie. Oui, bien punie. Maman et Papa Lavandoux tenaient beaucoup à l’éducation de leur petite fille et ne supportaient pas les écarts de conduite. Ils étaient peut-être aimants, et peut-être qu’ils donnaient à leur fille tout se dont elle désirait, mais ils ne laissaient rien passer. Les coudes sur la table, une couette mal peignée, un lit mal fait, rien. Il fallait que la petite Camilla soit parfaite. Une tenue parfaite, un vocabulaire parfait. Elle en aurait probablement été étouffée si elle n’avait pas eut son frère. Son grand frère qui l’a protégeait dans toute circonstance. Et elle savait très bien qu’il n’hésiterait pas à voler un dessert pour lui donner le soir, lorsque papa et maman serait couchés.

Always and Forever. La descente aux enfers. C’était ce à quoi Camilla assistait chaque jour avec sa meilleure amie. Impuissante, elle l’a regardait se détruire peu à peu, en mettant encore un peu plus les pieds dans la tombe. Le temps des chamailleries étaient bien terminés. Elles étaient depuis longtemps inséparables. Liées comme les deux doigts de la main en traversant tout, ensembles. Mais là, c’était un obstacle difficile à franchir. Un obstacle que Camilla avait du mal de faire franchir à Aoline. Et ça lui brisait le cœur. On pouvait toucher à beaucoup de chose, mais pas aux proches de Camilla. Il arrivait souvent que Camilla rêve d’inverser les rôles avec Aoline. Elle aurait préféré vivre ce qu’elle avait vécu plutôt que de la voir se déchirer de l’intérieur. Alors tout ce qu’elle pouvait faire, c’était l’aider. Être là pour elle, tout faire pour remettre cette petite étincelle dans le regard d’Aoline. Alors chaque jour, elle se battait pour sa meilleure amie. Ramassant des doses de drogues qui traînaient, lui faisant la morale, elle lui changeait les idées, essayait tant bien que mal de la soigner. En vain. Sous ses yeux, elle l’a voyait s’écrouler et ça la détruisait elle aussi. A chaque fois qu’elle rentrait chez elle, son frère lui demandait ce qu’elle avait, tout comme sa petite sœur. Tout deux essayaient de couvrir son mal-être face à des parents trop sévères qui l’auraient envoyée tout droit dans un asile psychiatrique. Et ça, elle ne l’aurait pas supporté


Too naive, too innocent. Du sang. Oui, c’était bien du sang qu’elle voyait entre les rochers. Alors que son petit cœur battait la chamade, Camilla n’arrivait presque plus à respirer. Elle appelait, elle appelait. Sans réponses. Elle entendait sa voit raisonner encore et encore, comme un tourbillon incessant. La lune éclairait à peine l’océan. Un étendue déchaînée et dangereuse. Les vagues se fracassaient sur les rochers, faisant disparaître le sang petit à petit. Des larmes coulaient le long de ses joues. Et elle hurlait. Jamais elle n’aurait du laisser sa petite sœur sortir seule au bord de l’océan. Elle aurait dut la suivre. Elle aurait du savoir que quelque chose n’allait pas chez elle. Elle aurait dut. Mais elle ne l’avait pas fait. Elle avait fait confiance à sa sœur. Elle l’avait crut quand elle lui avait dit qu’elle allait retrouver son amoureux. Bêtise. Foutaise. Maintenant, Camilla était là, à quelques pas de leur maison de vacances, à hurler le nom de sa sœur. Et puis, elle s’arrêta brusquement. Figée, elle s’écroula sur le sable. Non. Impossible. Elle était là. Sa sœur étai là. Ballottée par les vagues, morte.
« EMYYYYYYY ». Un sursaut et Camilla se réveilla. C’était encore ce cauchemar de cette nuit là. Elle le repassait en boucle dans sa tête depuis trois ans. Trois longues années, et elle y pensait toujours. Non, ça la hantait toujours. A côté d’elle, son amoureux se réveilla. Et il eut un soupire. Un de ces soupires là que Camilla détestait entendre. « C’est pas vrai, encore. Mais tu es folle ! J’en peux plus, j’me tire. » Et il s’en alla. Comme ça. C’était pire qu’un film, plus choquant qu’un roman. Sous ses yeux ébahis, il prit ses affaires pour ne plus jamais la revoir. De toutes façons, c’était toujours comme ça. Il vous endort avec des beaux sourires, des regards tendres et des baisers dans le cou. Il vous promet de veiller sur vous, d’être là quand rien ne va. Et il s’en va. Trop naïve peut-être, Camilla avait pensé qu’il resterait avec elle, même si ses cauchemars empêchaient toute relation sexuelle. Oui, trop naïve. Pourtant, elle l’aimait. Oui, il avait tout fait pour ça, et puis il s’était envolé. Plus jamais elle tomberait dans le piège. Jamais.


A fresh new start. Santa Barbara. Une nouvelle ville pour une nouvelle vie. Ca leur avait pris, comme ça. Il fallait que notre duo parte. S’enfuir. Loin de cette vie, loin des problèmes. Et si Camilla avait accepté, c’était surtout pour sa meilleure amie. Elle avait tout essayé, tout, pour qu’elle aille mieux. Et elle s’était fait tant de cheveux blancs qu’elle en devenait blonde platine. Ca ne pouvait plus durer. Tout avait changé lorsqu’un soir, elle lui avait dit cette fameuse phrase. « Si tu ne te fais pas soignée, je m'en vais. Tu me perds, pour toujours. » Ca avait fait l’effet d’un coup de tonnerre dans le cœur d’Aoline. Et Camilla en avait presque eu mal à sa place. Mais c’en était trop. Elle ne supportait plus de la voir comme ça. La seule chose qui avait été bénéfique, c’était qu’elle avait oublié ses propres problèmes. La mort de sa sœur, la dépression de sa mère. Elle avait tout mis de côté pour résoudre les problèmes d’Aoline. Et puis les deux amies avaient eu une autre idée. Une idée de génie pour tout oublier, pour de bon. Partir. Après sa dernière rupture, Camilla n’avait pas été difficile à convaincre. C’est le cœur en miette et des rêves plein les yeux qu’elle se mit à choisir leur destination. Elle et sa meilleure amie étaient plus fortes que jamais, prête à profiter de la chaleur à l’américaine. Et Camilla devait bien avouer que tout était plus grand ici. La plage, les villes, les immeubles. Elle savait qu’elle allait s’adapter après l’euphorie de l’arrivée, elle espérait seulement que cela soit rapide.