Il avait pris une semaine de congés suite à l'escapade de Nora, sa fille, à l'hôpital. Elle allait bien mieux, mais lui avait besoin de temps pour récupérer les heures passées à la veiller. Epuisé, amorphe, il se leva ce matin avec un mal de crâne digne d'une bonne gueule de bois. Sauf qu'il n'avait rien bu depuis déjà quelques temps. Le soleil était déjà bien levé, midi était passé, et Sorhan Allister ressemblait plus à un ours qu'a un inspecteur respectable et respecté. Avalant un grand verre de jus d'orange, il du vite se rendre compte qu'il n'avait rien pour remplir son estomac vide et criant famine. Il était temps d'aller faire les courses, un bon célibataire de 30ans qu'il était. Peut-etre achèterait-il quelques gâteaux en forme de dinosaure à Nora. Il ne savait pas quand elle pourrait venir chez lui, étant donné son état. Chassant cette pensée de son esprit, il se doucha rapidement et prit son pick-up, direction le magasin alimentaire.
Il n'aimait pas faire ses courses, en journée, tombant toujours sur une de ces femmes prête à lui tenir la jambe dans une longue et édifiante conversation. Le fait qu'il soit célibataire ne lui rendait pas service dans une ville comme Santa Barbara. La proie des riches veuves, des minettes aux hormones débordants. Une seule avait réussit à l'avoir, une seule.
Cadis engagé, l'oeil toujours aussi hagard, il passa d'un rayon à un autre, attrapant boissons, lait, céréales sans se poser de questions. Quelqu'un le salua poliment, il répondit avec respect. Il devait toujours garder cette image impeccable de l'inspecteur ! Arrivé au rayon fruits et légumes, il resta pensif devant un étalage de vert et de rouge : courgette ou aubergine ? Allait-il les manger ou les laisser moisir comme la dernière fois ? Prenons les paris ! Attrapant un lot de courgettes et une aubergine, il continua son chemin vers les fruits, attrapant vivement les dernières nectarines qui trainaient. Les laissant tomber sur le métal du fond, il se sentit de suite fixer par la personne derrière lui. Se retourna doucement, prêt à devoir s'expliquer sur le rapt du fruit, il ouvrit la bouche et… resta stoïque, immobile devant la personne qui se trouvait devant lui. Les lèvres entrouvertes, le souffle coupé, il fixa ce regard incandescent bleuté au possible, qu'il avait tant aimé regardé des années auparavant. "Qu'est ce que tu fous ici…"Fut les seuls mots qu'il pu prononcer.

Elle se fichait de lui ? Des nectarines ! Voici la seule réponse que l'indomptable Leo Harper pouvait lui sortir ! Son prénom lui convenait parfaitement, elle était plus féroce qu'un lion, prête à bondir sur chaque danger se proposant à elle. C'est ce que Sorhan avait apprécié chez cette femme de trois ans sa cadette. Son regard sauvage, son corps enjôleur, ses courbes dignes d'une diva. Il se souvient encore de ces moments passés avec elle, où chaque soirée se transformait en jeu, ou chaque vente devenait un terrain miné, où elle essayait de le faire sienne. Et ce masque qu'il devait aborder, cette identité qu'il cachait, maintenant il l'avait en horreur. Il avait apprécié Leo, énormément même. Il avait voulu la sortir de ce pétrin avant que tout dégénère, mais comme d'habitude, elle n'avait écouter que ses instincts de sauvageonne et avait catégoriquement refusé, une arme pointée sur l'inspecteur. "Santa Barbara, le seul lieu que tu peux te payer ? Ça a l'air d'aller la vie dis donc ! "Lança l'inspecteur, d'une voix un peu trop forte. II ne savait comment réagir, et même s'il savait bien qu'elle ne le suivait pas, s'était un drôle de hasard de se retrouver face à elle. Un flot de souvenirs, d'émotions, de colère allait remonter à la surface, se déverser sur lui et le noyer. Il ne voulait pas retomber dans cette spirale infernale de dépression et de haine. Pas maintenant qu'il commençait à sortir la tête de l'eau. "Je ne dois pas et je ne veux pas parler avec toi." Bien que Leo n'eut rien à voir avec ses histoires, Sorhan devait oublier cette rencontre, faire comme ci ils ne s'étaient jamais revus. Il ne voulait pas repenser à cette période de sa vie. Plus jamais. Il lui avait donné sa chance, et la jeune femme avait refusé. Qu'elle veuille reprendre contact maintenant était totalement illogique. Surtout que Sorhan n'avait rien a voir avec l'homme qu'elle avait connu pendant trois années. Poussant son chariot, il dépassa allègrement Leo, ne lui jetant pas un regard.

Il la retrouvait bien là, la gamine qui jouait avec tout et tout le monde et qui voulait avoir le dernier mot ! Elle l'avait suivi et lui dérobait d'un main agile les nectarines fraichement capturées. Pilant net dans l'allée, Sorhan la regarda faire, les yeux ronds. Elle voulait quoi au juste, à part se foutre de lui en s'amusant comme une enfant de 8 ans ? Peut être qu'avant ça le faisait rire, mais il n'avait rien en commun avec le personnage de dealer qu'il avait du se construire. Rien. Surtout maintenant.
Des passes ? Baissant un peu la tête, Sorhan se sentit coupable quelques instants. Leo était habitué à user de son corps pour avoir ce qu'elle voulait, bien que l'inspecteur savait pertinemment qu'elle était bien plus intelligente qu'elle le laissait passer. Et il y a trois ans, la voir se trémousser sur cette piste, se déshabiller et explorer la noirceurs des hommes de Santa Barbara lui donnait envie de vomir. Elle méritait bien mieux que ça, et même maintenant il le pensait toujours. Mais en une seconde, la situation changea. Les mots "dernière opération à L.A" lui firent comme un électrochoc. De quelle opération parlait-elle ? Elle n pouvait être au courant de sa véritable dernière opération, bien qu ça ait fait quelques émules dans les rues malfamées de Los Angeles. Et même si elle en avait entendu parlé, pourquoi vouloir en discuter ? Elle ne savait rien de lui, rien de sa disparition du pourquoi il avait du déguerpir de L.A et se retrouver à un poste bien plus bas que ce qu'il méritait. Aussi vite qu'elle était apparu, Leo disparu demi tour pour reprendre sa place initiale aux fruits et légumes. Restant stoïque, Sorhan hésitait. Il ne voulait pas lui parler, l'entendre railler sur leur ancienne relation. Elle n'avait rien à faire dans sa nouvelle vie et compromettrait ses chances de récupérer sa fille. Mais il y avait cette curiosité malsaine qui l'obligea à se retourner et à aller sa rencontre à nouveau. "On ne va parler ici entre deux rayons. Je ne sais pas ce que tu me veux Leo, mais sache que je n'ai rien a voir avec le gars que tu as connu." Le regard vide, fixant la jeune femme, il ne savait quoi lu proposer : la retrouver dans un bar, plus tard ? Autours d'un café. Non, ils n'étaient pas amis. Dans la rue ? Encore plus étrange. Au fond de lui, il savait qu'il n'avait pas à lui parler, qu'elle devait simplement bluffer comme à son habitude. Mais Sorhan n'arrivait pas à faire taire cette minuscule voix qui lui intimait l'ordre d'accepter cette discussion : et si elle, venant des bas-fonds malfamés, connaissait le fin mot de l'histoire qui avait détruit sa vie ?

D'un côté, elle avait raison. Terriblement raison même. Les gens se fichaient bien de ce qu'ils se racontaient, de leur colère bien visible à tout les deux. Leurs courses étaient bien plus importante à l'eur yeux qu'une énième querelle entre deux rayons. Mais Sorhan était beaucoup trop fier, et tout autant que Leo, aimait avoir le dernier mot. C'était l'une de ses tares, de ses défauts. "Monsieur est un flic respecté ici si tu veux savoir. Et il ne souhaite pas étaler sa vie devant tout le monde". Lacha-t-il, le regard agacé, les muscles qui se tendaient. Il ne savait pas ce qu'elle fichait pas, pourquoi subitement elle réapparaissait après une année sans nouvelle. Après qu'elle ait refusé la main tendue que lui proposait Sorhan Allister. Si elle avait fini misérablement, c'était de sa faute. Il n'en était pas responsable.
Essayant de se convaincre, Leo se retourna à nouveau, filant vers les autres fruits. Elle était bien la seule femme a avoir un comportement digne d'un animal sauvage  : elle se fichait de sa réponse, de ce qu'il pouvait faire, bien trop préoccupé entre le choix de ses courses. Roulant des yeux sous l'agacement. Faisant un nouveau pas vers elle, il li attrapa la main pour qu'elle se sente obligée de lâcher la mangue. Elle allait l'écouter maintenant. "Qu'est ce que tu veux Leo ?"

En une fraction de seconde, Sorhan fit un pas en arrière, se mettant en retrait. Son esprit lui susurrait de se reculer, de se protéger de ce qu'elle commençait à dire. Son corps se mettait en position de défense, prêt à bondir vers la sortie tel un animal apeuré. Il ne voulait pas entendre parler de ça. Il ne voulait pas qu'elle parle de ça. Leo ne savait rien, elle ne pouvait savoir quelque chose. Surement avait-elle entendu quelques bribes par des truands de bas-étages ou par des clients. Peut-être avait-elle cru connaitre des informations, l'oreille bien tendue pour ensuite s'en amuser face au regard grand ouvert de Sorhan. Il restait muet, immobile, n'ayant même pas réagi lorsqu'elle avait libéré son poignet. Mais elle ne mentait pas. Elle ne se jouer pas de lieu, l'utilisation du "la" étant beaucoup trop révélateur. Les journaux n'avaient pas fait beaucoup d'esclandre suite au décès de Kelly. Ni son identité, ni sa photo n'avait été révélé. Les gens connaissaient juste l'existent d'un flic des Stups qui avait été assassiné, point final. Comme savait-elle alors qu'il s'agissait d'une femme ?
Avanat difficilement sa salive, essayant de rester insensible a ce qu'elle lui murmurait, Sorhan essayait d'adoucir ses traits, relâchant ses muscles du corps et du visage. Mais rien n'y faisait, il restait totalement bloqué. "Tu ne sais rien Leo, laisse tomber s'il te plait." Sa voix était plus douce qu'auparavant, comme un supplice envers la jeune délinquante. Il lui intimait de ne pas continuer.