smeel like teen spirits

La soirée battait son plein au Disco’Night, cette boîte branchée non loin de la plage et prisée des jeunes de Santa-Barbara. Cara y entra d’une démarche assurée, tentant de garder son sang-froid devant les videurs qui empêchaient ceux qui avaient trop bu de rentrer. Elle était passée devenue une experte quand il s’agissait de faire semblant, déformation professionnelle. Et puis on refusait rarement l’entrée d’un club à Cara Nightingale. Ses nouvelles connaissances sur les talons, la jeune rousse se fraya un chemin parmi la foule. Une bouffée de chaleur l’envahit et la musique dont le volume était excessivement fort vrilla ses tympans. Qu’est-ce qu’elle pouvait aimer cela ! Ils filèrent au bar, burent jusqu’à ne plus s’en rendre compte. Jusqu’à ne plus se rendre compte de rien. Elle perdit des yeux ses nouveaux amis, dont elle n’était pas certaine de se souvenirs de leurs visages. Alors Cara se laissa entraîner sur la piste de danse, où elle oublia qui elle était, ce qu’elle voulait ; plus rien n’avait d’importance. Elle se déhanchait au rythme de celui des autres, laissant ces mains inconnues caresser son dos et son ventre avec un plaisir farouche. Oublier et s’oublier soi-même, c’était le secret du bonheur. Mais bien vite, elle fut rattrapée par la fatigue et tituba pour s’extirper de la foule trop dense dans laquelle elle avait la désagréable sensation d‘étouffer, dans l’espoir de tomber sur quelqu’un qu’elle connaissait. Des cheveux bruns et un sourire si particuliers retinrent son attention. Elle fonça dans sa direction, un sourire ravi aux lèvres. Cara n’était pas timide, loin de là. Elle dégageait cette confiance en elle aussi désagréable qu’enviable qui la caractérisaient tant. Elle assumait ce qu’elle disait, toujours, et agissait avant de réfléchir. « Erwan ! » s’exclama-t-elle,  en manquant de trébucher sur le pied de quelqu’un d’autre. Elle se rattrapa de justesse et posa ses yeux couleur de ciel sur lui. Ils s’étaient rencontrés peu de temps auparavant, alors qu’il lui avait demandé si il pouvait l’interviewer dans le cadre de ses études. Elle s’était prêtée au jeu et avait immédiatement apprécié ce garçon souriant, joueur et travailleur pourtant, qu’elle avait à présent plaisir de voir parfois, en soirée. « Je suis contente de te croiser ici, comment ça va ? » Elle arracha des mains d’un garçon qui passait à leurs côtés les deux verres qu’il tenait et en tendit un à Erwan avant de porter l’autre à ses lèvres. Celui-ci sembla s’offusquer mais, peu désireux de créer un conflit, préféra faire demi-tour pour retourner chercher de nouveaux verres. Un pauvre garçon sans personnalité. « T’es venu avec qui ? » demanda-t-elle alors en avalant le verre cul-sec, avant de grimacer d’un air dégouté. Elle ne savait pas ce qu’il y avait dedans, mais c’était franchement dégueulasse. Comment pouvait-on sciemment boire un truc aussi ignoble ? Elle le posa sur le plateau de la serveuse qui lui tendit gentiment et sourit. Cara ne voulait pas déranger Erwan s’il était en charmante compagnie, bien qu’égoïstement, elle espéra que ce ne soit pas le cas. Si il la lâchait, elle piquerait une crise : la rousse détestait être seule en boîte.

« Fais attention, Cara, je ne savais pas que je faisais cet effet ! » Cara écarquilla les yeux et éclata de rire. « Y a-t-il une seule femme à qui ne tu ne fasses pas d’effet en ce monde ? » lança-t-elle joyeusement. Elle n’était pas en train de le draguer, pas volontairement. Et elle espérait qu’Erwan le sache et comprenne qu’elle ne faisait que le taquiner. Mais l’alcool et la réflexion ne faisaient pas bon ménage, c’était bien connu. « Ça va, je viens d'arriver et toi ? » Cara hocha la tête avec un sourire. « Je viens d’arriver aussi. J’ai commencé la soirée ailleurs, et je ne suis pas certaine que c’était raisonnable de la terminer ici. » expliqua-t-elle en titubant de nouveau. « Avec des amis, tu veux te joindre à nous ? » La jeune fille se mordilla la lèvre et sourit timidement : « Si ça ne vous gêne pas, je veux bien ! » Cara continua à se tortiller en sirotant une nouvelle boisson plus agréable que la précédente. Elle se sentait bien aux côtés d’Erwan, dont la présence était tout à fait naturelle et agréable. Entre eux, le courant était passé immédiatement, et ça faisait un bien fou à Cara qui avait quelque peu du mal à accorder sa confiance aux autres, depuis sa plus tendre enfance. « Prêt à faire la fête toute la nuit ? »  Paille entre les lèvres, elle haussa un sourcil en signe de défi. Ne connaissant pas Erwan plus que cela, Cara ignorait de quelle manière il s’amusait : dansait-il ? buvait-il ? ou peut-être même qu’il ne pensait qu’à draguer et rentrer avec une fille (ou un garçon) ? La jeune fille était bien décidée à le découvrir. Elle salua les amis qui accompagnaient Erwan, tout de suite à l’aise à cause de son taux d’alcoolémie. Toutefois, elle arrivait plus facilement à s’adresser à son ami. « Est-ce que Monsieur Lee-Baxter sait danser ? » demanda-t-elle en faisant mine de mettre un micro devant la bouche du garçon.


hrp; désolée pour le retard   

 

À la question de Cara, le jeune brun hausse doucement les épaules tout en étant de façon détaché mais il finit par rire aussi. Qui sait, peut être ! J'aimerais bien tomber sur une résistante quand même. Il partait un peu dans n'importe quoi mais c'était tout dans la bonne humeur et la taquinerie. Cara est une très belle femme, il doit l'avouer... Erwan venait donc d'arriver et remarque qu'elle aussi. Si puisque je suis là donc ce n'est pas plus mal ! dit-il souriant, heureusement qu'elle est venue ici, sinon, il ne l'aurait même pas rencontré et peut être que sa soirée aurait été simple, bien mais simple. C'est ensuite qu'il lui propose de se joindre à lui et à ses amis. Il n'a aucun doute, les autres vont la trouver géniale, c’est impossible de croire le contraire. Ah oui, Erwan est prêt à faire la fête et avec son large sourire, il lui prouve cela ! Habituellement, il aime bien commencer boire, rigoler quand il est avec ses amis puis aller danser... Bien sûr qu'il sait danser et il va te le prouver ! dit-il en l’entraînant sur la piste de danse. on, il sait danser mais bon, ce n'est pas non plus un dieu. Erwan tenait la main de Cara et arrivé sur la piste, il vient à la faire tournoyer.

Cara fut ravie qu’Erwan prenne l’initiative de l’entraîner sur la piste de danse. Elle lâcha son verre à moitié plein sur le comptoir, sachant pertinemment qu’elle ne le retrouverait pas. Mais suinter le fric par tous les pores de sa peau avait quelques avantages, comme celui de ne pas se formaliser des petites dépenses de la soirée. A force, Cara ne comptait même plus combien elle dépensait. L’argent n’avait aucune valeur concrète à ses yeux. Bonne ou mauvaise chose ? Elle n’en savait rien. Danser avec lui était des plus amusants. Elle ne pouvait s’empêcher de rire, heureuse et satisfaite de cette soirée qui s’annonçait riche en émotion. « Ça va, tu te débrouilles pas trop mal ! » cria-t-elle pour couvrir le brouhaha ambiant. « Je pensais que tu bluffais ! » avoua-t-elle en criant encore. C’était certain, le lendemain, ses cordes vocales rendraient l’âme. La présence d’Erwan avait quelque chose de simple, de naturel. Elle n’avait pas besoin de s’y préparer, d’anticiper. Elle se laissait simplement guider par ses émotions qui le poussaient à l’apprécier pour une raison qu’elle ignorait totalement. Cara fut bousculée et, en se rapprochant d’Erwan, manqua de lui enfoncer son poing dans le ventre et de lui écraser les pieds. Il y avait tellement de monde qu’elle n’avait d’autre choix que de se rapprocher, quand bien même elle était un peu embarrassée. L’alcool rendait malgré tout les choses plus faciles. Qui aurait pu croire que Cara Nightingale était réellement gênée en compagnie d’un garçon, quand bien même il n’était qu’un ami ? « Tu viens souvent ? » demanda-t-elle, lèvres proches de son oreille. « Je t’imaginais plus petites soirées tranquilles au bar, entre potes. » Les petites soirées au bar, c’était ce qu’elle préférait. Elle n’allait en boîte que lorsque ses amis l’y trainaient. Rien ne valait la chaleur d’un bar, sa musique qui ne tuait pas les oreilles, son serveur dévoué et les clins d’œil gratuits. Pour Cara, les boîtes avaient été inventées pour les gens qui voulaient s’amuser ensemble sans savoir quoi se dire, puisque de toute façon ils ne s’entendaient pas parler. Elle avait tant de choses à dire tout le temps ! Frustrée de ne pas pouvoir parler, elle se contenta de rire et de se déhancher au rythme de la musique, totalement en confiance pour se laisser aller. Ses cheveux roux encadraient son visage rayonnant et tournoyaient avec elle, ses yeux bleus se promenaient sur Erwan et sur tous ces inconnus qui les entouraient. Voilà bien longtemps que Cara n’avait pas réussi à oublier ses problèmes de la sorte.

Cara était ravie de constater qu’Erwan était clément avec elle et répondait à ses provocations. Elle renversa la tête en arrière et éclata de rire. « Je ne doute jamais de vous Monsieur Lee-Baxter. » Puis vint le moment de le bousculer et là aussi, il se montra clément avec ses maladresses. Reconnaissante, elle lui lança un regard désolé en grommelant. C’était la faute des autres, pas la sienne ! Mais rétorquer ça, c’était un comportement de collégienne aussi elle s’abstint de tout commentaire. De toute façon Erwan avait raison : si elle avait moins bu, elle tiendrait mieux sur ses talons hauts. Depuis quand buvait-elle ainsi ? Ça avait commencé après qu’elle ait surpris son premier copain dans les bras d’une autre, sans doute. Elle était redescendue s’asseoir sur le canapé, avait bu un premier verre, puis un autre, et encore un, et n’avait plus arrêté. Il ne se passait plus une soirée depuis sans qu’elle ne soit ivre, sauf quand il s’agissait des conseils de famille côté Nightingale. Elza, Max et Jules l’avaient vu bourrée, mais elle se refusait de l’être devant ses parents qui étaient très peu tolérants à ce sujet. Elle frémit quand la bouche d’Erwan s’approcha de son oreille. Le visage légèrement rouge, elle acquiesça. « T’as raison, ça fait du bien de temps en temps de se lâcher un peu ! » De nouveau bousculée, Cara écrasa le pied d’une fille qui dansait à ses côtés. Celle-ci poussa un cri et Cara plaqua sa main sur sa bouche, gênée. Son copain, qui devait mesurer au moins trois mètres de haut, les foudroya des yeux. « Excuse-toi là ! » Cara, s’excuser ? Elle jeta un coup d’œil à Erwan : pouvait-elle seulement agir comme d’habitude alors qu’il était là ? Elle ne voulait pas lui attirer d’ennuis. Mais c’était plus fort qu’elle. Elle sourit d’un air espiègle et souffla à Erwan : « Dans trois secondes je prends la fuite. Suis-moi si tu veux, sinon on se voit bientôt ! » Elle se tourna de nouveau vers la montagne et croisa les bras sur sa poitrine. « Non. » S’excuser ? Cara ne demandait jamais pardon. Est-ce qu’on lui avait demandé pardon quand on la menaçait de la tuer, qu’on se foutait de sa gueule, la faisait pleurer et écrivait « monster » sur son bureau, à l’école ? « Je vais t’éclater sale gamine ! » Alors, comme une idiote, Cara balança un coup de pied dans l’entrejambe du garçon et détala à toute jambe vers la sortie de la boîte de nuit, hilare et choquée de son audace. Elle se retourna alors pour voir si Erwan l’avait suivie, les jambes tremblantes et essoufflée.

En entendant son prénom, Cara esquissa un grand sourire. Erwan avait eu la stupidité de le suivre, ce qu’elle apprécia énormément. « C’est le truc le plus con qu’on pouvait faire ! Oui je dis « on », parce que tu es complice maintenant ! » Elle rit encore et inspira une grande bouffée d’air, les joues rouges et douloureuses, essoufflée. Elle ne savait pas ce qu’il lui avait pris de taper un mec qui faisait le double de sa taille, quoi qu’elle s’en foute puisque si elle venait à être reconnue, ses parents paieraient des pots-de-vin faramineux pour la sortir de cette mauvaise passe. Comme d’habitude. Avec du fric, on était intouchable. « La prochaine fois que je croise tes amis, je leur demanderai pardon de t’avoir enlevé ! » dit-elle pensivement en regardant autour d’elle, à la recherche d’un endroit où aller maintenant qu’ils avaient quitté leur refuge bruyant. Elle frotta ses bras, légèrement frigorifiée et planta de nouveau son regard dans celui d’Erwan : « On n’a plus qu’à trouver autre chose à faire. Pour me faire pardonner, quoi qu’on fasse et où qu’on aille, c’est moi qui paye ! » Elle croisa les bras derrière son dos et se balança doucement d’avant en arrière sur ses talons hauts. « Alors, tu veux aller quelque part en particulier ? Tu vas où d’habitude ? » N’importe quoi ferait l’affaire, même l’endroit le plus insalubre et chaleureux irait parfaitement. Elle n’était pas du genre à aimer seulement les endroits luxueux, au contraire. Elle s’y sentait chez elle, parce que ça lui rappelait la maison de ses parents : trop grande, trop vide, trop impersonnelle. Un décor moderne et glacial, vide de sentiment et de chaleur humaine. Mais si elle s’y sentait chez elle, ce n’était pas pour autant qu’elle aimait ça. Cara n’était qu’une enfant qui jouait les grandes filles.

Elle haussa faiblement les épaules et esquissa une moue contrite. « J’en sais rien. En fait, je déteste m’excuser, alors … Je préfère aggraver mon cas, tu vois ? » Elle le dit sur un ton sérieux mais ne l’était pas réellement. Erwan sembla satisfait de sa proposition de l’inviter pour se faire pardonner, ce qui la satisfit elle aussi. « C’est parti alors ! » Cara frémit quand Erwan passa son bras autour de ses épaules et esquissa un sourire timide. Elle le laissa la guider avec curiosité, mais également avec une pointe d’anxiété. Son regard balayait les alentours, à la recherche de photographes prêts à faire d’elle, et d’Erwan, la future couverture de magazines à scandales. Elle n’avait jamais eu la possibilité de passer une soirée tranquille sans qu’aucune photo ne finisse par atterrir malencontreusement dans un magazine ou sur internet. Si Cara avait fini par s’y habituer, ce n’était pas tout à fait le cas des gens qu’elle côtoyait, qui s’amusaient de cette situation ou, au contraire, détestaient cela. Aussi, quand ils entrèrent dans le bar, Cara fut soulagée. « J’aime bien, c’est joli ici ! » s’exclama-t-elle avec un sourire, avant de se laisser tomber sur la chaise d’une table libre. Le serveur s’approcha d’eux pour commander et la jeune femme hésita : était-ce bien prudent de boire de l’alcool, à ce stade avancé d’alcoolémie ? Elle se contenta d’un coca et se recroquevilla un peu sur sa chaise en regardant les tenues des gens. « J’ai l’impression d’être à poil, comparé aux autres. » grogna-t-elle. Robe trop courte, talons trop hauts, elle faisait à présent tâche dans le décor. « Merci de m’avoir suivi. » conclue-t-elle en portant la paille de son soda à ses lèvres, yeux bleus rivés dans les siens. « J’espère que t’es quelqu’un de courageux, parce que si on doit se voir à d’autres soirées, ça arrive souvent ce genre d’emmerdes. C’est la honte, mais c’est excitant, non ? » Elle lui tira la langue en guise de défi et but une nouvelle gorgée, les joues légèrement roses.

Spoiler:

« Tu es très bien, ne t'inquiète pas. Puis, je suis le plus chanceux de ce bar. » Cette phrase résonna dans son esprit, tandis qu’Erwan posait sa main sur son avant-bras. Elle rougit à ce contact tendre et esquissa une petite moue gênée et heureuse à la fois quand il lui fit un clin d’œil. Rien à voir avec la Cara aguicheuse qu’elle pouvait être d’habitude. Parce que d’habitude, les garçons ne se comportaient pas avec elle comme Erwan le faisait. « Je ne suis pas malchanceuse non plus ! » répondit-elle avant de faire un clin d’œil à son tour. Le jeune homme rigola quand elle lui demanda s’il était assez courageux pour la suivre dans ses aventures, ce qui eut le don de la faire rire aussi. « On verra bien ! » Le cœur battant, elle reporta son attention vers son verre qu’elle sirota en silence, se laissant bercer par les conversations des gens et la musique de fond. De temps à autre, elle sentait des regards posés sur elle, quand il ne s’agissait pas carrément de téléphones portables, mais son taux d’alcoolémie et la présence d’Erwan lui permettait de relativiser. Elle n’allait pas prendre la fuite de cet endroit, pas encore. Pour détourner son attention des autres, Cara demanda alors : « Au fait, ton article, il a plu à tes profs ? J’aimerais bien le lire. » Elle parlait bien entendu de celui qui leur avait permis de se rencontrer, très peu de temps auparavant. C’était pourtant comme si ils se connaissaient depuis toujours. « Je te préviens, si t’as écrit des conneries, je t’envoie en prison. Ou alors, tu me devras un verre, comme tu préfères. » Lady Nightingale n’était pas du genre à se formaliser de ce qu’on disait sur elle dans des articles de journaux, contrairement à ses parents qui prenaient un malin plaisir à porter plainte contre les journalistes qu’ils trouvaient mauvais. Un article à son sujet n’était qu’un prétexte pour leur mettre des bâtons dans les roues. « Et sinon, tu viens ici avec les amis que j’ai rencontré tout à l’heure ? Ou avec d’autres ? Ou avec des filles ? » le taquina-t-elle en haussant les sourcils. Sans gêne, elle tendit la main vers son verre pour s’en emparer et goûter ce qu’il buvait. Mais cet affreux sentiment de nausée la reprit instantanément et elle préféra reposer son verre. Elle allait se contenter du coca, pour ne pas finir la tête dans le caniveau. Tout mais pas devant Erwan ! Elle ne compte pas non plus se faire ramasser de la sorte par Sorhan Allister qui l’avait assez vue en train de gerber dans des ruelles sombres, avant de la ramener au commissariat en attendant ses parents. Une situation assez inconfortable, qu’elle avait juré de ne plus revivre, finalement. Quoi que.

« Je suis sûre que tu auras une bonne note. Tes questions étaient efficaces et légitimes, alors … Enfin je me suis plus amusée avec toi qu'avec n'importe quel journaliste expérimenté. Et va pour le verre, alors. » répondit-elle sur le ton de la plaisanterie. Cara était ravie qu'Erwan se laisse entraîner dans ses jeux et ses folies puériles. Il était patient avec la gamine de vingt ans qu'elle était, et ça lui faisait plaisir de pouvoir être elle-même, sans concession. Quand elle sortait avec les fils et filles à papa, elle se devait de garder le dos droit et de cracher sur le monde entier. En entrant dans les toilettes d'une boîte, par exemple, on attendait d'elle qu'elle bouscule tout le monde pour se remaquiller avant les autres. Peu importait que les filles bousculées s'offusquent : elle était riche, célèbre, alors elle avait tous les droits. En compagnie d'Erwan, Cara avait droit de n'être qu'une fille comme une autre, avec ses défauts et ses qualités, mais rien de forcé. « Je vois. J'aimerais bien revenir je crois. Dans une autre tenue, bien sûr. » En plus, les boissons étaient à un prix très abordable. Un prix qu'elle n'avait plus l'habitude de payer. Cela coûtait si peu cher que Cara aurait pu leur payer des tournées jusqu'au petit jour, rien qu'avec la maigre liasse qu'elle avait embarquée dans son sac en quittant l'appartement, la veille. « Merci de m'avoir amenée ici. » ajouta-t-elle avec un sourire en sirotant son coca. C'était un peu comme si elle faisait partie des amis proches d'Erwan, maintenant qu'elle était venue ici avec lui. Flattée et ravie, elle se prit en pleine gueule sa fatigue de la soirée et de tout ce qu'elle avait vécu, son taux d'alcool dans le sang et sa course pour fuir la boîte avant de se faire attraper par Terminator. Elle passa sa main sur son visage et soupira discrètement, avant de sourire de nouveau à Erwan. « N'empêche, t'abuses de m'avoir fait courir comme ça. » Retourner les situations à son avantage, elle ? Pas du tout. Son sourire devint plus espiègle, plus taquin. Elle aimait jouer, c'était sa raison d'être. « Alors Monsieur Lee-Baxter, qu'aimez-vous faire de votre temps libre ? En dehors, bien sûr, de traîner dans les bars. » s'enquit-elle d'une voix qui se voulait professionnelle, pour ne pas rendre la question, banale, encore plus quelconque. Elle était réellement intéressée par ce qu'il pouvait faire le reste du temps, ignorant un nombre incalculable de choses à son sujet. En réalité, Cara ne savait même rien de lui, sinon ce qu'elle découvrait un peu plus à chaque nouvelle rencontre. Elle avait en face d'elle un garçon intrigant, un garçon bien. Comme on en faisait peu, malheureusement. Peut-être que si elle avait rencontré Erwan plus tôt, Cara n'aurait pas été dégoûtée de la gente masculine. Trompée, humiliée, larguée, elle avait enchaîné les histoires foireuses jusqu'à en être écœurée et terrifiée. « Je ne serai pas aussi bonne journaliste que toi, mais prépare-toi à une interview complète. » annonça-t-elle en posant son menton sur ses mains, accoudée sur la table. Son sourire fin ne quittait pas ses lèvres, malgré sa fatigue.

Le voir rire, le faire rire, faisait du bien à Cara. Exit la fatigue, les doutes, les craintes, elle se sentait naturellement bien et libre d’être heureuse, une fille comme une autre. Elle en avait assez d’être déifiée, et aux côtés d’Erwan, ce n’était pas le cas. Elle était juste Cara. « Tu travailles dans un hôtel, tu fais des études … C’est courageux ! » répondit-elle pensivement, avant de se dire qu’elle faisait la même chose. Cependant, il y avait une grosse différence entre eux : elle gagnait des sommes astronomiques et indécentes, qui lui permettait déjà, avant même d’être majeure, de prendre sa retraite et vivre bien toute sa vie. Elle pouvait s’acheter une maison avec un grand jardin, une belle voiture, fonder une famille et faire le tour du monde en yacht. Un monde rêvé, dont elle se moquait bien. Son travail était tout ce qu’elle avait, et pour rien au monde elle n’aurait pris sa retraite. « Bon alors, qu’est-ce que je peux te demander … Est-ce que tu as des frères et sœurs ? » Cara jeta un coup d’œil à son verre de coca vide, puis au verre d’Erwan et enchaîna : « Est-ce que tu veux boire autre chose ? » La jeune fille interpella la serveuse avec un sourire, pour commander un jus de fruit. Hors de question de boire plus d’alcool, quand bien même les cocktails l’attiraient particulièrement. « Je ne sais même pas quoi te demander ! Mes questions sont trop bidons, je serais une mauvaise journaliste. » Elle haussa faiblement les épaules et remercia la serveuse qui posa le verre devant elle. Elle but une gorgée, sentant déjà qu’elle recouvrait ses esprits. Elle n’avait pas bu tant que ça, et les effets de l’alcool se dissipaient vite. Cara se félicita intérieurement d’avoir été si raisonnable, ça n’arrivait pas souvent. « Ah, je sais. Quelle est la chose la plus dingue que tu aies faite sous emprise de l’alcool ? A part m’avoir suivi alors que j’ai foutu une dérouillée à un homme montagne, je veux dire. » Cara se mordit la lèvre en souriant et posa son menton dans la paume de sa main en l’observant. Ses questions étaient vraiment nulles, mais c’était mieux que rien. Cara n’arrêtait jamais de parler, de toute façon. Erwan et son sourire adorable devrait s’y habituer.

« Ce serait dommage d’arrêter tes études, tu as un réel talent. » Cara haussa les épaules en souriant. De toute façon, elle le soutiendrait toujours dans ses choix. N’était-ce pas ce que faisaient les amis dans cette situation ? Elle savait que certains devaient faire des choix, là où elle était intouchable. Elle avait déjà tout ce qu’elle voulait dans la vie, mais le monde ne fonctionnait pas ainsi. C’était en commençant peu à peu à côtoyer des gens comme Erwan, comme Hope ou Adria qu’elle s’en rendait compte. Concernant sa famille, Cara comprit que c’était un sujet sensible. « Je vois. » répondit-elle, un peu gênée. Elle n’en demanda pas plus pour ne pas l’embarrasser, bien qu’elle meure d’envie de savoir pourquoi ils pouvaient bien être spécialement séparés du demi-frère. Mais de toute façon ça ne la regardait pas, elle était trop curieuse. Une nouvelle fois, Erwan se montra avenant avec elle, et doux. Cara n’avait pas l’habitude qu’on se comporte de la sorte à son égard, c’était déstabilisant, nouveau, agréable. Son sourire s’élargit. Tandis qu’il réfléchissait à l’idée la plus stupide qu’il ait pu avoir pendant une soirée arrosée, Cara prit appui contre le mur à ses côtés et le regarda, lèvres pincées, pour ne pas rire. Ce garçon était gentil, charmant, drôle, définitivement bien loin de l’image qu’elle s’était faite des mecs de son âge. « Une fois, avec des amis, on a volé des caddies au supermarché et on a fait une course sur la route en pleine nuit, au milieu des voitures. C’était vraiment débile, quand on y pense … » souffla-t-elle en cachant son visage rougi par la honte derrière sa main. Cara aurait pu parler de la soirée où, ivre, elle avait sauté au cou d’un flic pour l’embrasser alors qu’ils ne s’étaient vus qu’une fois auparavant. Ça aussi, c’était une idée vraiment débile. « C’est pas grave si tu ne trouves pas, on s’en fera ensemble, des souvenirs débiles. Et pas seulement des débiles, j’espère. » Elle ferma les yeux sans se départir de son sourire. Erwan avait eu un premier aperçu de la vie aux côtés de Cara Nightingale ce soir-là, et de ses frasques insensées. Tout ce que voulait la demoiselle, c’était se sentir vivante. Elle rouvrit les yeux et s’empara de son verre pour boire une nouvelle gorgée. « Je suis crevée. » avoua-t-elle en riant. Cara était réellement épuisée, mais n’avait pas envie de quitter Erwan tout de suite, surtout qu’elle l’avait arraché à ses amis prématurément. Elle tendit la main pour jouer avec les doigts d'Erwan, perdue dans ses pensées. Dire qu'elle devait aller travailler le lendemain ... Elle n'avait aucune envie de tourner cette scène où elle était sensée sauter du deuxième étage, pour échapper à un tueur en série qui n'était autre que son petit ami. Elle n'avait pas envie de faire semblant. Pas demain, pas ce week-end. Elle était fatiguée. « Ma soirée aurait été vraiment pourrie sans toi. » maugréa-t-elle en relâchant ses doigts pour s'intéresser de nouveau à son verre.

« Ce sera encore mieux que ce soir. » répondit-elle avec un sourire ravi. La perspective de pouvoir passer des soirées folles, déjantées, était des plus excitants. Ils allaient pouvoir rire, avoir peur, regretter, recommencer, boire et se battre et s'amuser, peu importe tant qu'ils se sentiraient en vie. Voir Erwan sourire de la sorte ne faisait que figer davantage le sien sur son visage, à tel point que Cara avait mal aux joues. « D'habitude oui, mais les derniers jours ont été difficiles. » répondit-elle en grimaçant. Difficile était un mot faible, d'ailleurs. Elle hausse les épaules en sirotant de nouveau sa boisson, les yeux rivés vers les bulles qui éclataient à la surface du verre. « Par contre, ne crois pas être débarrassé de moi comme ça ! Je ne te lâche pas tout de suite ! » Non seulement Cara n'avait pas envie que la soirée s'arrête, mais en plus elle avait peur à l'idée de rentrer seule chez elle. Y avait-il encore des taxis à cette heure-ci ? Elle en doutait fortement. Erwan ne rechignerait certainement pas à l'idée de la raccompagner, il n'était certainement pas du genre à laisser les filles sans surveillance en pleine nuit. Mais pouvait-elle lui demander ça ? C'est alors que lui vint l'idée du siècle, mêlant l'utile à l'agréable : « Tu veux venir squatter chez moi ? On pourra squatter le canapé tranquille, y a de l'alcool, et des choses grasses à manger, et certainement un tas d'émissions hyper intelligentes à regarder à cette heure-là. » plaisanta-t-elle en manquant de s'étouffer avec son soda pétillant. Elle respira une grande bouffée d'air et enchaîna : « C'est juste que … Je ne vais pas te lâcher alors que je t'ai enlevé à tes amis. Alors si ça te tente … Mais je ne t'oblige à rien ! » La jeune femme était un peu gênée, et surprise par sa propre audace. Il n'y avait bien entendu aucun sous-entendu derrière sa proposition : quand elle parlait d'alcool, de choses grasses à manger et d'émission télévisée, elle était sincère. Cara n'invitait jamais de garçons chez elle pour passer à l'acte, cela ne faisait pas partie de ses principes. Et elle espérait qu'Erwan ne se fasse pas de fausses idées. Mais une fois de plus, elle savait que ce garçon était quelqu'un de bien, de respectueux et d'attentif. Elle avait une confiance aveugle en lui, confiance qu'elle accordait pourtant bien difficilement. Cara avait appris à se méfier des visages trop amicaux, qui étaient souvent synonymes d'hypocrisie. Elle baignait constamment dans l'hypocrisie, dans le mensonge, dans les faux-semblants. Comment croire encore en l'humanité et la sincérité ?

Quand Erwan accepta, Cara fut soulagée. « Tu ne penses qu'à manger, toi ! » répliqua-t-elle avec un sourire espiègle en se levant de sa chaise. Elle avait dit qu'elle l'invitait, alors elle paierait ! Elle se fraya un chemin d'un pas incertain jusqu'au comptoir. « Gardez la monnaie. » dit-elle avec un sourire, avant de faire demi-tour. Elle se moquait bien de laisser des pourboires insolents, cela ne faisait aucune différence dans son budget et tout le monde était content. « Monsieur Lee-Baxter, si vous voulez bien vous donner la peine ! » lança-t-elle en se dirigeant vers la porte. Cara fut de nouveau frappée par la fraîcheur de l'air, alors que la chaleur des bars et des boîtes de nuit était étouffante. Chaque fois, elle regrettait de ne pas avoir de veste ; irresponsable ? Si peu ! Épuisée et irritée de marcher sur ses talons, elle ne se gêna pas pour les enlever en pleine rue, en riant. Elle était considérablement plus petite, sans eux. « On n'en a pas pour longtemps, c'est tout près d'ici ! » expliqua-t-elle. Cara appréciait beaucoup cette nouvelle vie dans le centre de la ville. Dans le grand pavillon de la famille Nightingale, Cara avait l'impression d'être seule au monde. Il ne se passait jamais rien, et les histoires les plus intéressantes à écouter étaient les histoires de coucherie de la voisine. Ici, le monde vivait nuit et jour, sans jamais s'arrêter. Le monde ne cessait jamais de tourner. Elle avait appris à aimer le bruit des voitures, les cris, les rires, les disputes, le vrombissement des moteurs et la caresse du soleil sur sa peau quand elle ouvrait ses volets donnant directement sur la rue. Elle avait appris à aimer une vie simple, qui lui seyait beaucoup plus qu'elle ne l'aurait cru. Tous deux arrivèrent bien vite au pied de l'immeuble et Cara grogna. « Évidemment ... » Il y avait quelques paparazzi, certainement au courant qu'elle était en compagnie d'un garçon et qui attendaient de savoir si elle passerait la nuit avec. Demain, Erwan serait aux yeux du monde son nouveau petit ami. Pas que ce soit désagréable, mais elle n'avait aucune envie de le mêler à ça. Elle sourit brièvement et garda la tête baissée en passant devant eux, avant de refermer la porte à la volée. Elle grimpa les escaliers, ouvrit la porte de l'appartement qu'elle referma à clé derrière Erwan. Cara laissa tomber ses escarpins par terre et s'étira, avant de faire quelques pas dans l'appart. « Bienvenue ! » lança-t-elle joyeusement. « Fais comme chez toi, je vais me changer. Il y a des bières dans le frigo, ou tu peux prendre ce que tu veux. » C'était son tour d'aller faire les courses de toute façon. Elle s'éclipsa une seconde pour retirer cette robe trop courte dans laquelle elle se sentait nue, enfila un short de pyjama rose avec des vaches noires et blanches, et un débardeur noir, avant d'enlever son rouge à lèvre. Elle attacha ses cheveux en chignon et soupira. Ça ferait l'affaire. Cara retourna dans le salon. « Je t'interdis de rire. » le prévint-elle en pointant dans sa direction un doigt accusateur.

Elle fut agréablement surprise de la réaction d'Erwan et Cara sourit. « Merci ! » s'exclama-t-elle avait de disparaître pour revenir avec son magnifique pyjama. En voyant Erwan plaquer sa main sur sa bouche, elle le foudroya du regard, mais sa pique la fit éclater de rire. Elle croisa les bras, faussement en colère, et déclara d'une voix qui se voulait vexée mais qui ne l'était pas le moins du monde : « Moque-toi ! J'aimerais bien voir à quoi tu ressembles en pyjama, toi ! » Elle sautilla jusqu'à la cuisine pour s'emparer de deux bières, et mit du pop-corn au micro-onde. Cara pouvait se permettre de manger quelque chose de ce genre, même si elle était presque certaine de devoir aller se faire vomir ensuite. Son nouveau shooting pour Abyss était dans deux jours, et la jeune femme ne pouvait pas se permettre de prendre quelques grammes de plus. Elle revint avec le tout et se laissa tomber sur le canapé, en proposant à Erwan de l'imiter d'un signe de la main. « Si t'es sage, je te le prêterai. Il t'ira sans doute mieux qu'à moi. » ajouta-t-elle, en faisant bien entendu référence à son pyjama. Un sourire moqueur se dessina sur ses lèvres, tandis qu'elle allumait la télé en mettant une chaîne au hasard. Le pot de pop-corn posé entre eux, les bières sur la table basse devant eux, elle jeta un coup d'oeil à Erwan en biais. « Y a quoi à cette heure-là, à la télé ? » elle ne la regardait jamais, faute de temps. Pas à cette heure-là, quoi. Elle étendit ses jambes qu'elle posa sur la table et soupira. Elle ne se trouvait pas trop mal dedans, elles mettaient ses jambes en valeur, ses fesses aussi. Qu'y avait-il de mal à porter un pyjama avec des petites vaches dessus ? Elle rougit légèrement, se sentant alors idiote, et avala quelques pop-corns pour faire passer la honte. « Ca me fait bizarre que tu sois là, je crois que tu es la première personne que j'invite ici. » dit-elle pensivement. Même ses parents et sa sœur n'étaient pas venus voir comment elle était installée. Quant à ses « amis », ils ne se déplaçaient pas pour si peu. Ses meilleurs amis avaient voulu venir, un jour, mais Cara était absente et Adria et Hope aussi. Erwan était donc bien le premier à plonger si intimemement dans le repère de l'actrice. C'était à la fois agréable et déroutant. « Et toi, tu habites où au fait ? » Elle se mordilla la lèvre en s'enfonçant plus confortablement dans le canapé, le visage tourné vers Erwan.