Mes lunettes de soleil vissées sur le bout de mon nez, je quitte l’appartement. Dehors, il fait incroyablement chaud, l’air est même suffoquant. Moulée dans ma petite robe légère, j’attire le regard de nombreux passants et m’attire bien évidemment les foudres de leurs petites-amies. Je souris, car j’ai toujours adoré provoquer ce genre de réaction. En soit, qu’on me déteste ne m’a jamais posé de problèmes, l’important résultant dans le fait qu’on me remarque. Certains prendront ça pour de la superficialité, d’autres pour un sérieux problème d’égo –mais quant à moi, je me contenterai de vous dire que c’est la manière dont je fonctionne. Si ça plaît tant mieux, dans le cas inverse, vous pouvez passer votre chemin. Qu’on se le dise, je n’ai pas pour habitude de m’encombrer de personnes bien intentionnées qui passeront leur temps à essayer de me remettre dans le droit chemin. A moins, bien sûr, que ces personnes aient su percer ma carapace ou ne fassent partie, le cas échéant, de ma famille. Je jette un bref coup d’œil à mon portable pour remarquer que j’ai déjà plus de dix minutes de retard. Erwan va râler, c’est sûr, mais j’ai toujours su y faire avec lui : un petit sourire et tout sera oublié. Erwan est mon cousin germain et on s’est toujours très bien entendu tous les deux. A tel point que je le laisse même me faire des leçons de morales, vous imaginez ça ?! Plus sérieusement, il a toujours été génial avec moi et en toute honnêteté, je le considère presque comme un frère.

« Salut chaton » je lance impunément, même si je sais qu’il déteste quand je l’appelle comme ça. « Je sais, je suis en retard, mais je suis très occupée, que veux-tu ?! » Un petit rire m’échappe et je cesse soudainement de jouer les divas pour lui plaquer un énorme baiser sur la joue. « Je t’ai manqué, avoue ! »

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Erwan et moi avons toujours été en phase. Je me souviens que lorsqu’on était enfant, on pouvait passer des heures à discuter et à se taquiner mutuellement, sans jamais se lasser l’un de l’autre. Malheureusement, le fait que nous n’habitions pas dans la même ville ne nous permettait pas de nous voir aussi souvent que nous l’aurions souhaité, mais les kilomètres qui nous séparaient n’ont jamais interféré dans notre relation. Quand ma mère est morte, il m’a beaucoup soutenu. Nous n’étions que des gamins à l’époque, mais ses sourires, ses plaisanteries stupides et ses courriers de réconfort ont été capitals pour moi. Aujourd’hui encore, il m’arrive de me demander ce que je serais devenue sans lui. Evidemment, je ne suis pas parfaite et dire que j’ai bien tournée serait un mensonge, mais cela aurait franchement pu être pire.

Amusé par mes petites remarques, mon cousin se prend au jeu et commence lui aussi à me taquiner, ce qui me fait sourire. « Mon cousin préféré ? Pour le coup chaton, c’est toi qui te donne trop d’importance… » dis-je en lui tirant la langue. « Oh ça va, fais pas la tête ! Tu sais bien que c’est toi l’homme de ma vie, le seul et l’unique ! » Sur le moment, une plaisanterie me vient à l’esprit et je suis à deux doigts de lui dire que si cela avait été permis, je l’aurais épousé sur-le-champ –mais mon histoire avec Riley me revient subitement en tête et je me ravise, réalisant que cela aurait été de mauvais goût. « Quoi de neuf de ton côté ? Ça va ? Ça faisait un moment que je n’avais pas eu de tes nouvelles… J’ai bien failli croire que tu faisais la tête… »

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Je n’ai jamais été le genre de fille à accorder beaucoup d’importance aux liens familiaux. Elevée dans un environnement décousu et littéralement dépourvu d’amour, je n’ai jamais vraiment été encouragée dans cette voix –mon père me considérant davantage comme un boulet à sa cheville que comme une fierté. A bien y réfléchir, les seules personnes a avoir véritablement compté dans ma vie (ma mère mise à part) sont mes cousins, cousines. Étrange, n’est-ce pas ? J’veux dire, en général on est plutôt proche de ses frères et sœurs, non ? A moins d’avoir grandi en croyant, tout comme moi, être fille unique. Bien sûr, j’ai fait la connaissance de mon demi-frère depuis, mais avoir eu une histoire avec lui sans connaître sa véritable identité a comme qui dirait jeté un froid… Comme tout n’est pas encore réglé avec Riley, Erwan reste le seul vers qui je puisse encore mon tourner, le seul en qui j’ai véritablement confiance. Ce qui est incroyable avec lui, c’est ce naturel, ces sourires et ce sentiment d’apaisement qui m’envahissent. Quand on est ensemble, j’ai comme l’impression d’être protégée du monde extérieur, à l’abri de tout, presque hors d’atteinte. Mon cousin est indéniablement un des piliers de mon existence –et c’est en partie pour ça que son silence m’a autant inquiété. Mais d’un autre côté, je comprends parfaitement qu’il ait d’autres chats à fouetter. D’ailleurs, si j’avais moi-même la chance de poursuivre mes études, je m’y consacrerais corps et âme. « Et tu t’en sors avec les cours ? Tu vas entrer en période d’examens, n’est-ce pas ? » J’essaye de m’intéresser, même si le sujet me rend triste, voire presque nostalgique de cette époque où, totalement dépendante de mon père (et de son argent), j’étais encore promise à une brillante carrière de neurochirurgienne. Et regardez-moi aujourd’hui, en phase de devenir l’employée du mois… C’est pathétique. « Je vais croiser les doigts pour toi ! »

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Erwan a toujours été brillant à l’école. Ou en tout cas, c’est l’impression qu’il donne et je suis plutôt surprise de l’entendre dire qu’il a des doutes. Je le connais suffisamment bien pour savoir qu’il n’est pas du genre à se décourager et ça m’inquiète un peu de l’entendre parler comme ça. En soit qu’il arrête ses études ne serait pas un problème, car il est déjà diplômé en journalisme, mais quitte à avoir poursuivi son cursus, autant décrocher les examens adéquat, non ? « L’année de trop ? Pourquoi tu dis ça ? C’est pas ton genre d’être aussi défaitiste, qu’est-ce qui se passe ? » J’écoute patiemment sa réponse et prend ensuite le temps de répondre à sa question. Question qui me fait sourire, car ma petite vie n’a rien de très glorieux… « Oh moi tu sais… ça va. La routine ! J’ai encore un peu de mal à me faire à l’idée de passer ma vie à servir les autres, mais c’est pas comme si j’avais le choix ! » J’essaye de sourire pour donner le change, mais quelque chose me dit que je ne suis pas très convaincante. Mon cousin me connaît bien, probablement mieux que quiconque et il a sans doute remarqué que cette histoire d’études me pesait plus que je ne voulais bien l’admettre.

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Je ne suis pas à sa place et je n’ai aucune idée des difficultés qu’il peut rencontrer dans sa filière, mais je persiste à penser qu’abandonner serait une erreur. A mon sens, il finirait par le regretter –mais le choix lui appartient, raison pour laquelle je n’essaye pas de l’influencer. S’il estime qu’il est temps d’arrêter, qu’il le fasse. Après tout, le principal est qu’il se sente épanoui dans sa vie. « Tu fais comme tu le sens, mais réfléchis bien, d’accord ? Ce serait dommage de te réveiller un beau matin en te disant que t’es passé à côté de quelque chose… » Un peu comme moi, quoi… A l’époque, j’étais si en colère contre mon père, si amoureuse aussi, que je n’ai pas réfléchi aux conséquences de mes actes. Comme toujours, j’ai foncé tête baissée et tout ça pour quoi ? Pour me retrouver seule et sans aucune perspective d’avenir. Ça me bouffe. Ça me bouffe, mais d’un autre côté ; il est hors de question que je rampe devant mon père. Ça lui ferait trop plaisir. Erwan n’est pas au courant de tous les détails de l’histoire. Il pense que j’ai tout quitté pour Oliver. Il ne sait pas pour Riley, ni même pour mon père. Alors, c’est normal qu’il veuille m’inciter à tout recommencer, mais c’est trop compliqué. « Reprendre mes études ? Et avec quel argent ? Rien n’est gratuit. Mon père m’a coupé les vivres… » Je baisse piteusement la tête, mal à l’aise. « Je n’ai pas été tout à fait franche avec toi… Si je suis partie à Los-Angeles et si j’ai fini par atterrir ici, ce n’est pas uniquement à cause Oliver… »

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Comme toujours, il est adorable avec moi, me proposant même son aide. Mais je décline d’un signe de la tête, car il est hors de question que je lui emprunte de l’argent. J’ai bien trop longtemps dépendu de mon père, je refuse d’être à nouveau sous la coupe de quelqu’un. Evidemment, je sais qu’Erwan se propose de bon cœur, mais ça me mettrait trop mal à l’aise. Peter est blindé, m’entretenir ne lui a jamais posé de problème, c’était même un devoir pour lui, car je suis sa fille. Mais dépendre de mon cousin ? Ça, jamais ! Surpris par mon aveu, il pose sa main sur mon visage et m’incite à lui en dire plus. Toujours aussi mal à l’aise, je prends une grande inspiration et finis par cracher le morceau. « Il y a deux ans, j’ai rencontré un type formidable. Il s’appelait Riley et entre nous, le courant passait incroyablement bien. Au début, ça ne devait être qu’une histoire de cul parmi tant d’autres, mais on a finit par sympathiser, on s’est revus et… on s’est un peu attaché l’un à l’autre. Bien sûr, je n’étais pas amoureuse, mais je me sentais bien avec lui… » Je me pince les lèvres, gênée à l’idée de devoir lui raconter la suite. « Mais il a subitement coupé les ponts. Au départ, j’étais très en colère, mais j’ai fini par passer à autre chose –tout particulièrement, car c’est à cette époque qu’Oliver est entré dans ma vie… » Un sourire vient fendre mon visage. Même si ça ne s'est pas très bien terminé entre nous, le souvenir du temps passé avec Oliver est encore très agréable. « Quoi qu’il en soit, le dit Riley avait disparu de la surface de la terre, jusqu’au jour où il s’est pointé devant moi et m’a balancé de but en blanc qu’il était mon demi-frère ! J’ai pas voulu y croire au départ, je l’ai traité de malade mental –mais il a fini par me montrer une photo de mon père et sa mère. Cet enfoiré s’est tapé deux nanas en même temps avant d’entrer à la fac et manque de pot, elles sont toutes les deux tombées enceintes ! Riley et moi, on a à peine quelques mois de différence ! Bref… Pour faire court, j’ai été confronter mon père et il n’a même pas cherché à nier une seule seconde. Tout ce qu’il a bien voulu m’dire c’est que Riley n’était qu’une erreur et que de toute manière ça ne me regardait pas. On s’est violemment disputé ce soir-là. Je lui ai dit qu’il me dégoûtait et une chose en entraînant une autre, il a fini par me foutre à la porte… » Je lève les yeux vers mon cousin, appréhendant sa réaction. « J’te dégoûte, n’est-ce pas ? Tu peux m'le dire, tu sais... Car, moi en tout cas, j’me dégoûte… Si j’avais su que Riley était mon demi-frère, je… » Je me pince les lèvres pour retenir mes larmes. Erwan est la première personne à qui j’en parle et c’est très difficile pour moi.

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J’ai honte de moi, tellement honte que j’ai parfois bien du mal à me regarder en face. Alors, peut-être bien qu’Erwan a raison, peut-être bien que c’était juste un putain de coup du destin –mais ça ne change pas grand-chose au problème. Je me sens sale, affreuse, incestueuse. A moins d’être passé par-là, je doute que quiconque puisse comprendre ce que je ressens. Néanmoins, ça me fait du bien de savoir qu’Erwan est là pour moi, qu’il ne me juge pas. Quand il ouvre les bras pour me réconforter, je me blottie tout contre lui et pour la première depuis bien longtemps, je me laisse aller. Des larmes coulent sur mes joues, des larmes de soulagement, de frustration, de colère –beaucoup trop de larmes. Je sanglote tellement que ma voix se serre et pendant un long moment je reste silencieuse, comme incapable de dire quoi que ce soit. Au bout de quelques minutes, je finis pourtant par me redresser et sèche mes larmes. « Je te demande pardon… J’ai pas franchement l’habitude de me laisser aller, mais avec tout ce qui s’est passé récemment, ça fait beaucoup. En tout cas, merci ! Merci pour tout ce que tu fais pour moi, merci d’être là » je lâche dans un sourire avant de farfouiller dans mon sac pour en sortir mon miroir. Une fois chose faite, j’admire mon reflet et fais face à mes yeux gonflés et ternis de mascara. « C’est malin tiens ! J’suis immonde ! » Je retrouve instantanément le sourire ou en tout cas j’essaye –car ce n’est pas dans mes habitudes de m'apitoyer sur mon sort. Mais je vois bien que cette histoire le perturbe un peu lui-aussi, raison pour laquelle j’ajoute « Si tu as des questions, sens-toi libre de mes les poser. Je ne vais pas m’énerver, rassure-toi. »

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Je suis étonnée de l’entendre dire qu’il n’a aucune question. Beaucoup à sa place se seraient empressés de me bombarder, allant même de leurs petits commentaire sarcastiques. Evidemment, j’ai épargné ce détail embarrassant à mon père, mais nul doute qu’il se serait empressé de me réprimander s’il avait été au courant –allant même jusqu’à me traiter de sale petite traînée. Il n’a jamais mis ces mots en voix, mais je sais parfaitement que c’est ce qu’il a toujours pensé de moi. Il y a des regards et des réactions qui ne trompent pas. Quand il a appris que j’allais suivre Oliver à Los-Angeles, il s’est même esclaffé, laissant sous-entendre que c’était impossible pour une fille comme moi de s’attacher à qui que ce soit. Autant vous dire que ça n’a fait que redoubler ma colère. Quoi qu’il en soit, Erwan est aux antipodes de Peter et si je devais choisir entre lui et mon père, le choix serait très rapide. Monsieur Lee-Baxter est désormais ma seule famille et je compte bien tout faire pour le garder auprès de moi. D’ailleurs, il faudrait être fou pour laisser filer une telle perle.

Perdue dans mes pensées, je l’entends tout de même me demander comment je compte m’y prendre pour surmonter toute cette histoire. Pour toute réaction, je me contente d’un haussement d'épaules. Puis, voyant que ça ne le satisfait pas, j’essaye tant bien que mal de le rassurer sur mon état. « Je n’en ai pas la moindre idée, mais j’imagine que seul le temps viendra à bout de cette… chose. » Je ne sais pas comment définir tout ça. Pour moi, ça semble si irréel que j’ai parfois l’impression de vivre en plein cauchemar. « Riley… mon… frère » Je grimace, réalisant qu’il est encore trop tôt pour en parler en ces termes. « Il… Il aimerait bien qu’on apprenne à se connaître, mais… je ne suis pas certaine que ça soit une bonne idée. Tu sais, je crois qu’il était amoureux de moi et… si j’acceptais qu’on reprenne contact, ce serait bizarre, n’est-ce pas ? Je veux dire…. Une partie de moi aimerait le connaître, mais je suis aussi terrifiée et dégoûtée par ce qu’on a fait… » Désespérée, je passe mes mains sur mon visage. Je ne sais vraiment pas quoi faire, je suis complètement paumée. « Qu’est-ce que tu ferais à ma place ? J’suis vraiment désolée de t’embêter avec mes histoires, mais j’ai personne d’autre à qui en parler… » Noah s’énerve déjà quand je lui parle de mon ex alors s’il apprend que j’ai eu une aventure avec mon demi-frère, j’ose à peine imaginer sa réaction.

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Toujours de bons conseils, Erwan me rappelle que le temps n’y changera rien, à moins bien sûr que j’y mette de la bonne volonté. Je souris, mais ne dis rien. Au fond, je sais qu’il a raison. Il n’appartient qu’à moi de passer à autre chose, mais j’arrive à peine à me remettre de ma rupture avec Oliver –alors, comment pourrais-je surmonter ça ? Et Riley dans tout ça ? N’est-ce pas injuste de couper les ponts ? Après tout, il n’est qu’une victime dans cette histoire. Nous sommes tous deux les premières victimes de notre géniteur et de son égoïsme. « Je sais bien que je ne m’en sortirais pas à moins de vraiment le vouloir, mais j’ai comme l’impression que c’est au dessus de mes forces. Tu sais, j’essaye de donner le change. Je souris, je sors, je rencontre plein de gens, mais la vérité c’est que la plupart du temps, je me sens seule et je ne sais pas quoi faire pour remonter la pente. Oliver me manque. Mes amis me manquent. Cambridge me manque. Même la fille inconsciente et cruelle que j’étais avant de tomber amoureuse me manque. J’aimerais tellement redevenir cette fille au lieu de faire semblant… » Je sais que pour lui, je n’ai jamais été que sa cousine. Il ne m’a jamais connu sous mon plus mauvais jour. Je n’ai jamais été désagréable avec lui, mais il fût un temps où certains frissonnaient à l’évocation même de mon prénom. Il fût un temps où je régnais telle une reine insouciante et insoumise. Mais ma carapace est fêlée désormais et je n'ai plus de pansements. La fissure refuse de se refermer. Dans ces cas-là, comment faire ? Je n’ai jamais eu de chagrin d’amour, je n’ai jamais été aussi humiliée. Comment les autres font pour se sortir de ce merdier ? « Quant à Riley, tu as raison, je ne suis pas prête –mais j’ai aussi l’impression d’être affreusement injuste avec lui. Tu sais, il l’a très mal vécu lui-aussi… » Je me pince les lèvres et décide subitement de changer de sujet. Je n’ai pas envie de l’ennuyer davantage. « Et si on parlait d’autre chose ? J’ai l’impression de passer mon temps à me plaindre et t’as pas à supporter tout ça… »

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Erwan essaye tant bien que mal de me consoler et tente même de me faire adopter un point de vue différent. L’espace de quelques secondes, j’essaye de voir la situation d’un œil nouveau, un peu comme si j’étais à sa place et qu’on avait échangé les rôles. Tout à coup, ça me paraît moins insurmontable. C’est toujours douloureux et un peu perturbant, mais je me dis qu’un jour ou l’autre, je finirais bien par oublier toute cette histoire, par pardonner aussi. Car au fond, je crois que le nœud du problème vient de mon père et de toutes ses cachotterries. S’il avait été honnête avec moi, s’il avait accepté ses responsabilités dès le départ, rien de tout ça ne serait arrivé. Riley et moi nous aurions une relation tout ce qu’il y a de plus normale à l’heure qu’il est et peut-être même qu’on aurait pu être très proches tous les deux. J’esquisse un petit sourire lorsqu’Erwan affirme que je vais m’en sortir, car je suis une fille courageuse. « Tu es trop gentil avec moi –et tu as sans doute une trop grande opinion de ma petite personne ! Tu sais, tu n’as pas connu la Flore dont je t’ai parlé, mais si cela avait été le cas, tu l’aurais sûrement détesté ! J’étais une vraie garce à l’époque… Tu peux même pas imaginer… » Ma voix se brise dans un léger éclat de rire et Erwan sourit. Je crois que ça la rassure de me voir plaisanter. « Merci à toi de m’écouter. Merci d’être toujours là pour moi. T’es génial… Profite-en, car je m’aventure rarement sur ce terrain-là, mais j’tadore Erwan –et je ne sais pas ce que je ferais sans toi… »

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Erwan est une crème et je n’extrapole pas. En plus d’être à l’écoute, il s’avère aussi de très bons conseils. Calme et posé, il trouve toujours la solution à mes problèmes. Je l’envie. J’envie cette gentilesse, cette naïveté et cette honnêteté qui émanent de lui. Il a toujours le mot pour rire aussi. « Qu’est-ce qui t’arrive, tu t’improvises psychologue ? Remarque, t’as peut-être râté ta vocation ! » Nous rions tous deux à ma remarque et je lui dis ensuite ce que j’ai sur le cœur : comme quoi il tient une place très importante dans ma vie et que je lui dois beaucoup. Touché, mon cousin réplique qu’il est ravi d’avoir partagé cet instant avec moi, mais me demande aussi de ne plus faire semblant –en tout cas, pas avec lui. J’acquiesce d’un signe de la tête, car je sais que c’est parfaitement inutile, il me connaît par cœur de toute façon. « Une glace ? Non, mais tu me prends pour qui ?! J’ai plus cinq ans ! » Pour toute réaction, il se contente d’hausser les épaules, ce à quoi je réponds : « J'vais prendre un cornet de deux boules parfum menthe-chocolat s’toplaît ! »

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Avant de nous lever pour aller chercher nos glaces, Erwan me demande s’il ferait un bon psychologue. Au départ, je me contente d’hausser les épaules, car je n’ai encore jamais pris le temps de réfléchir à la question. Puis, au bout de quelques secondes, je finis par lui dire : « Je ne suis pas experte en la matière, mais s’il y a bien une chose dont je sois certaine, c’est que tu es doué pour écouter les autres. Tes conseils ne sont pas trop mal eux non plus… » Visiblement satisfait par ma réponse, il me lance un petit sourire et m’entraîne vers un marchand de glaces ambulant. Après avoir commandé nos cornets, il sort son portefeuille pour régler les glaces. « Merci mon lapin » dis-je en lui collant un énorme baiser sur la joue, ce qui fait sourire le vendeur. « Mais la prochaine fois, c’est moi qui invite ! » J’ai toujours eu l’habitude d’être entretenue, mais depuis que mon père m’a coupé les vivres, je suis devenue très indépendante et j’ai fini par prendre cela en horreur. « Alors ? Qu’est-ce que tu veux faire maintenant ? On se ballade un peu ? On pourrait en profiter pour parler de toi et de ta vie sentimentale par exemple… T’es toujours très silencieux à ce sujet, ça m’inquiète » dis-je en commençant à déguster ma glace.

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C’est tout de même étrange qu’un garçon aussi sympathique qu’Erwan soit célibataire. Honnêtement, ça me dépasse. S’il n’avait pas été mon cousin, j’aurais probablement tenté quelque chose avec lui, mignon comme il est –mais il semblerait que les filles de cette ville aient de réels problèmes. Soient elles sont aveugles, soient leurs goûts en matière de garçon sont très mauvais. Toujours est il qu’elles passent à côté de quelque chose. Evidemment, ce n’est pas à moi de prendre sa vie sentimentale en main, mais s’il était d’accord, je pourrais sans doute lui présenter une ou deux demoiselles à même de susciter son intérêt. « J’ai pourtant du mal à t’imaginer en coureur de jupons ou en type qui accumule les histoires sans lendemains… » Ça n’a rien d’une critique, c’est simplement une constatation. « Si tu veux mon avis, toutes ces nénettes ne savent pas ce qu’elles ratent ! T’es tellement adorable, ça me sidère que t’ai pas encore trouvé la perle rare. Mais peut-être bien que tu n’en as pas envie au fond… » Erwan fronce les sourcils et je comprends alors que j’ai mis le doigt sur quelque chose.

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