Autumn ne saurait pas dire quand tout a commencé : si c'était la nuit d'avant hier qui a tout déclenché ou si elle doit remonter à son entrée à l'université ou être dramatique et remonter au jour de sa naissance. La dernière possibilité est à exclure parce qu'Autumn est beaucoup de chose mais une drama queen, non. Si elle doit être reine, c'est celle de la ruche et rien d'autre. Elle essaie de garder un visage neutre et de ne rentrer dans aucune conversation - prétendant être au-dessus de la panique et des cris hystériques qui l'entourent - mais au fond elle panique. Si quelqu'un apprend la vérité, elle est très mal. Pas mal comme dans 'exclue de l'université' mais mal comme dans 'avocat et tenue de prison orange'. C'était un fichu accident mais Autumn n'est pas sûre que cela justifie d'avoir mis le feu à la moitié des résisences de confréries de l'université de Berkeley. Tout ça à cause d'un fichu collier - dont il ne doit plus rien rester désormais. Autumn regarde les pompiers éteindre les dernières flammes et elle resserre ses bras autour de son corps à moitié nu - elle aimerait être désagréable, prétendre qu'être obligée de rester en dehors en pyjama est frigorifiant mais quand l'air est lourd de cendres, elle sait que l'excuse sera regardée d'un très mauvais oeil.
"Autumn !" La brune se retourne et a à peine le temps de réaliser ce qui arrive qu'elle est engouffrée dans une étreinte à lui en écraser les os. Elle n'arrive même pas à paraître indignée ou à repousser sa mère pour lui dire qu'elle lui met la honte. "Où est ta soeur ?" demande-t-elle une fois qu'elle a relâché Autumn. La brune grimace, persuadée qu'au fond, tout ça c'est de la faute de Kate. "Elle sortait ce soir, elle n'est pas encore rentrée," marmonne-t-elle, l'air contrarié. Sa mère soupire de soulagement et se met à déblatérer à dix mots par seconde qu'elle a enfreint tout le code de la route pour arriver ici le plus vite que possible ; un feu à Berkeley n'est pas quelque chose qu'on voit tous les jours. Autumn ne l'écoute que d'une oreille et se demande si sa soeur soupçonnera quelque chose quand elle arrivera et qu'on la questionnera. Autumn a regardé assez d'épisodes de Mentalist et fantasmé sur Simon Baker pour savoir qu'il est facile de trouver l'endroit où l'incendie a commencé.

Au fond, tout ça remonte au jour où sa mère a décidé de se remarier. Autumn est une fille qui a les pieds sur Terre - elle sait que son physique de jolie fille et son cynisme jouent en sa faveur ; elle est loin de tous ses drames de est-ce qu'il m'aime ? Bref, quand sa mère lui a annoncé qu'elle se remariait, elle n'a pas été choquée. Certains diraient qu'elle a un coeur de pierre, elle, elle dit que se faire mettre enceinte et planter quelques mois plus tard est quelque chose de très courant. Aussi, elle n'a jamais vraiment été marquée par l'absence de son père, l'illustre salopard qui a abandonné sa mère dès qu'il a appris qu'elle était enceinte. Si ca craint pour une personne, c'est bien pour sa mère, pense Autumn. Elle, elle a certainement échappé à un père alcoolique, possiblement drogué. En revanche, elle n'a pas échappé à la grande famille recomposée où les Thanksgiving sont des moments gênant et où ce pour le quoi on est le plus reconnaissant, c'est bien qu'ils n'arrivent qu'une fois par an. Sa mère s'est donc remariée quand elle avait trois ans. Autumn n'a pas vu d'inconvénient à avoir une soeur du même âge et a partagé l'affection que sa mère lui donnait tant qu'elle gardait sa chambre et ses jouets - Autumn est une matérialiste dans l'âme. Elle n'a pas vu de problèmes à ce que sa mère et Alan - son beau-père - lui donnent un petit-frère a embêté - quand son frère avait deux ans, il suffisait de prétendre lui avoir volé son nez pour que le gamin se mette à hurler à pleins poumons, Autumn le faisait avant de partir se planquer dans sa chambre en vitesse. Elle n'a pas vu d'inconvénient quand la grand-mère de Kate lui lançait des pics à tous les Noëls et oublier son anniversaire - peut-être qu'au fond elle le méritait. Au fond, tout ce que voulait Autumn était qu'on la laisse tranquille. Elle s'entendait relativement bien avec Kate et même si parfois, cette dernière était un pu envahissante, Autumn avait tout ce qu'elle voulait.

Ce que veut Autumn a toujours été simple : une belle vie avec de beaux objets, de l'argent facile ; des amis qui sont là pour elle et qui l'admirent de loin ; aller à Berkeley et devenir une Bêta. Berkeley a toujours été son rêve depuis qu'Alan les a emmenées elle et Kate voir un match de baseball universitaire. La mère de Kate, morte quand elle était bébé, a fait ses études là-bas et Alan voulait que sa soeur s'en rappelle. Il a été ravi quand les deux petites filles se sont prises d'affection pour l'université, se promettant qu'elles partageraient une chambre et qu'elles seraient toutes les deux des Bêtas. C'était vrai au début et puis le lycée est arrivé et Autumn a légèrement changé. A l'époque, elle trainait avec Kate et son petit-ami Aaron - dont elle n'a jamais été amoureuse ; merci beaucoup Aaron tu peux arrêter d'appeler. Autumn a vite réalisé que le lycée, de son statut, était ennuyant. Tout paraissait mieux quand on était une de ces reines qui marchent dans le couloir la tête haute, sac Chanel à leur poignet. Elle les a admirées et enviées de loin, nourrissant de la rancoeur envers Kate et Aaron qui la retenaient à un rang social inférieur. Puis l'université est arrivée, Aaron et elle ont rompu et Kate et Autumn sont devenues membres de la confrérie des bêtas. C'était parfait jusqu'à ce que toutes les filles se tournent vers Kate et lui demandent conseil. Tout ça parce que la mère de Kate avait été une bêta autrefois, etc. La jalousie est une bête dangereuse et du jour au lendemain, Autumn a révélé le plus grand secret de Kate à toute la confrérie de la façon humiliante qui soit. Ce qui ramène Autumn à maintenant, alors qu'elle observe les flammes léchées encore la maison des Bêtas. Pendant quatre ans, l'université a été le rêve : des amis, des fêtes, des garçons, des souvenirs comme dans les films ; à un détail près : Kate. Sa mère possédait ce stupide collier, signe d'appartenance aux bêtas, et Kate le portait comme une fichue couronne autour du cou. Cela fait des semaines qu'Autumn tente de le récupérer parce que la présidente des bêtas c'est elle. Kate a refusé et si elle n'avait pas refusé, peut-être qu'Autumn ne serait pas entrée en douce dans sa chambre pour voler le collier et n'aurait pas renversé cette fichue bougie - qui en elle-même était un danger public - n'aurait pas mis le feu à quatre résidences universitaires... Elle a vu trois personnes être emmenées par des ambulances et la culpabilité et la peur ont planté leurs griffes dans sa gorge. "Chérie ? Chérie ?" l'appelle sa mère plusieurs fois. "Ca va ?" Autumn secoue la tête et finalement, s'éloigne de l'incendie, sa mère sur les talons.

Une personne est décédée à cause de la fumée - l'asthme est une garce. Autumn vit avec cette mort sur la conscience tous les jours, inventant des mensonges à chaque fois qu'il le faut quand on l'interroge plus tard. Deux ans plus tard, alors qu'elle habite de nouveaux "en famille", le mensonge est devenu son meilleur ami.