what's your color ?

Samedi après-midi. Pour une raison qui m’échappe, Thomas et Noah sont partis faire une excursion en forêt. Ils ont bien essayé de me convaincre de les accompagner, mais la nature et moi, on n’a jamais vraiment fait bon ménage –surtout pas en cette période de l’année où les insectes et autres moustiques grouillent de toute part. Par ailleurs, j’ai la gueule de bois donc c’était physiquement impossible quoi qu’il en soit. Après être passée sous la douche, je file à la cuisine et me prépare un bon petit déjeuner. Sur mon plateau se disputent un bol de muesli, un verre d’oranges pressées et deux biscottes qui me font saliver tant je suis affamée. Une fois arrivée au salon, j’allume la télévision et mange devant les dessins animés. J’en profite temps que je suis toute seule de peur de souffrir les remarques désobligeantes de mes colocataires qui finiraient forcément par s’en servir contre moi –en jouant sur mon « côté enfantin ». Ces sales gosses sont déjà suffisamment difficile à gérer sans que je ne vienne leur fournir un moyen de me faire perdre ma crédibilité.

Au bout de quelques minutes, mon téléphone finit par sonner. Je viens de recevoir un message. Un message de ma petite peste de meilleure amie qui m’invite à une après-midi shopping. Sur le coup, je suis bien tentée de refuser, juste pour la faire enrager. Je ne sais plus quel était le motif de notre dispute, mais je suis intimement convaincue qu’elle a tous les torts. Néanmoins, j’adore Autumn et j’avoue que la perspective de passer un après-midi avec elle surpasse de loin mon envie d’avoir le dernier mot. « Laisse-moi le temps de terminer mon p’tit déj, de me brosser les dents et j’arrive » sont les mots que je tape sur mon clavier, tout en suivant le programme qui passe alors sur Disney channel. Phineas et Pherb, vous connaissez ? C’est complètement con, mais j’adore ce truc !

Une demi-heure plus tard, j’arrive au centre commercial. Sans me laisser le temps de répliquer quoi que ce soit, Autumn me saute dessus et m’entraîne vers la première boutique de cosmétiques qui nous tombe sous la main. La brunette commence alors à déblatérer sur diverses couleurs de rouges à lèvres, ce qui a vite fait d’éveiller mon intérêt. « Je te préviens, si t’essayes encore de me refourguer un truc immonde, j’te tue ! Le dernier "conseil beauté" » dis-je en mimant des guillemets imaginaires « que tu m’as donné aurait pu très mal tourner, j’te rappelle ! » En disant cela, je fais allusion aux mèches qu’elle a voulu me faire faire. Le résultat était terrifiant et avec du recul, je suis bien contente de m’être contenté de fausses mèches. « Ceci étant dit… Si tu me montrais ces petits bébés, car on n’a pas que ça à faire ! Un panel de boutiques nous attend ! »

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Si j’ai le chic pour ramener de vieilles histoires sur le tapis, Autumn, de son côté, est légèrement de mauvaise foi. Comme toujours, mademoiselle a du mal à accepter sa part de responsabilité dans toute cette histoire et préfère rejeter la faute sur une tierce personne –ou en l’occurrence sur le salon où elle m’avait traînée de force, je maintiens ma version. « Faut quand même être sacrément dérangée pour penser à associer une chevelure rousse à du rose pamplemousse ! » Autumn me tire la langue et je secoue la tête, amusée par sa réaction. « Alors, quoi ? C’est tout ce que tu as à dire pour ta défense ? T’es déjà à court d’arguments ? Je t’ai connu plus coriace… » Comme toujours, je prends un malin plaisir à la provoquer, mais au fond ce n’est pas bien méchant. Je plaisante et la brunette le sait –et puis ce n’est pas comme si elle n’aimait pas ces petits jeux… Au contraire, c’est même la première à me rendre chèvre.

Une fois l’incident clos, elle m’entraîne jusqu’au rayon où sont exposés les rouges à lèvres qu’elle tenait absolument à me montrer. Rouges à lèvres qui s’avèrent être en réalité des gloss, mais je m’abstiens de tout commentaire. L’après-midi vient à peine de commencer, ce n’est donc pas dans mon intérêt de batailler pour avoir le dernier mot, surtout pas si c’est pour plomber l’ambiance. Comme elle me connaît, mademoiselle Davenport s’empresse de me tendre un gloss de couleur rouge, qui s’avère aussi être ma teinte favorite ! « IL EST PARFAIT » je m’exclame en attrapant le modèle d’exposition pour en appliquer un peu sur mes lèvres. « Pour le coup, c’est un sans faute ! BRAVO » Tout en lui lançant un clin d’œil, je détaille les couleurs qu’elle fait défiler sous mes yeux. Après quelques secondes, je finis par déclarer. « Effectivement, c’est un peu trop foncé… Désolée de te dire ça ma belle, mais le violet ne te va pas très bien au teint ! En tout cas, ça ne te met pas en valeur ! Si tu veux mon avis, tu ferais tout aussi bien de choisir le premier rose ! Il est sublime ! » Forte de mes conseils, elle saisit le tube et en applique un peu sur ses lèvres, débarassées du brillant de couleur violette. Mine de rien, elle en profite pour se renseigner sur ma vie sentimentale, ce qui m’arrache une légère grimace. « Oui. Même si, tu sais, ce n’est pas vraiment ce qui intéresse les mecs… Je me souviens qu’Oliver s’arrachait les cheveux quand j’appliquai trop de rouge sur mes lèvres. Ça attirait trop le regard selon lui et il n’aimait pas que les autres garçons me regardent de cette manière, comme si je n’étais qu’un vulgaire objet… » Je m’interromps brusquement et fais semblant de m’intéresser à des flacons de vernis. « Okay… Tu sais quoi ? On ne va pas s’aventurer sur ce terrain-là… » Même si j’ai accumulé les aventures depuis notre séparation, le blondinet est resté dans un coin de mon esprit et j’ai toujours beaucoup de mal à m’en remettre. Et comme si ça ne suffisait pas, il y a aussi Thomas et Noah… « Parle-moi plutôt de toi ? Tu as rencontré quelqu’un ? »

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Autumn et moi passons peut-être notre temps à nous chamailler, ça ne nous empêche pas de prendre soin l’une de l’autre. Quand j’ai commencé à parler d’Oliver, je savais très bien que ça la ferait tiquer, car elle ne l’a jamais vraiment porté dans son cœur. Je me souviens qu’à l’époque, elle passait son temps à me répéter qu’il n’était pas fait pour moi, qu’on était trop différents. Ses petites remarques, tout mon entourage s’était déjà chargé de mes les faire et comme Autumn était une des seules à ne s’être jamais détournée de moi, c’est elle qui en prenait pour son grade. On s’en est dit des choses horribles, même via e-mail ou skype étant donné que j’étais à Los-Angeles, mais forte heureusement pour nous, ces querelles, aussi violentes soient-elles, n’ont pas eu raison de notre amitié. Quoi qu’il en soit, le blondinet reste un sujet sensible et comme à chaque fois qu’on a le malheur de m’en parler, je change de propos pour cacher mon émotion.

Comme je suis encore un peu mal à l’aise, je choisis de reporter mon attention sur des flacons de vernis auxquels je feins un quelconque intérêt. Machinalement, j’en attrape un de couleur rouge et tout en le détaillant, je me renseigne sur la vie amoureuse de ma meilleure amie. Après tout, pourquoi serait-elle la seule à jouer les inquisitrices. Fidèle à elle-même, la brunette me fait alors savoir qu’elle continue d’enchaîner les histoires sans lendemain, car elle n’a jamais été très friande des relations sérieuses. Aussitôt, un petit rire m’échappe. « L’un n’empêche pas l’autre, crois-en mon expérience ! Avant Oliv’, j’étais la reine des garces ! Je couchais avec n’importe qui et sans vouloir me vanter, la liste de mes conquêtes en ferait pâlir plus d’une, y compris toi… Mais un jour, tu rencontres un garçon qui se détache du lot. Il a ce petit truc en plus qui te fait fondre et tu finis par réaliser que ce n’est pas si désagréable que ça d’être aimée… » Je soupire et la regarde peinturlurer mes ongles. « Tu verras, ça t’arriveras à toi aussi, ça nous arrive à toutes… » C’est alors qu’elle propose de m’offrir le vernis, ce à quoi je m’oppose vivement : « C’EST ABSOLUMENT HORS DE QUESTION ! Je ne roule peut-être pas sur l’or, mais je peux quand même m’offrir un gloss et un vernis ! Qui plus est Isaiah m’a augmenté ! J’imagine qu’Aaron n’y est pas totalement étranger, mais je ne vais pas m’en plaindre ! » Aaron est un ami formidable, il est toujours aux petits soins avec moi et ça ne m’étonnerait pas qu’ils se soient mis d’accord avec son père pour augmenter mon salaire. Ils voudraient tous les deux m’aider à reprendre mes études et comme j’ai toujours refusé qu’ils me prêtent directement l’argent, j’imagine qu’ils ont fini par trouver d’autres astuces.

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Autumn est têtue, c’est probablement l’un de ses plus gros défauts. Si j’ai moi-même tendance à être bornée, je suis bien forcée d’admettre que sur ce terrain-là, elle me surpasse et de loin. « Si tu crois que t’auto-proclamer reine des garces te protégera des méfaits de l’amour, tu te fourres le doigts dans l’œil ma chérie ! Tu peux t’en défendre becs et ongles, je sais ce que j’dis, ça finira bien par t’arriver ! Non, mais qu’est-ce que tu crois ? Que j’étais prête à tomber dans le panneau ? La fidélité non plus c’était pas mon truc, mais une fois amoureuse… » Je laisse ma phrase en suspend, car ce n’est pas mon genre d’insister, mais je campe sur mes positions. Pour l’instant, la brunette a envie de s’amuser et je comprends parfaitement son point de vue –mais elle changera d’avis, car au fond, bien au fond, on a toutes besoin d’aimer et par-dessus tout, de se sentir aimée.

Amusée par ma remarque sur mes conquêtes, ma meilleure amie commence alors à me taquiner sur le sujet en insistant sur le fait qu’en dépit du fait que je sois bisexuelle, elle en a sûrement connu plus que moi – principalement car elle est toujours dans la course. « Mais moi aussi, j’te signale ! Au cas où tu l’aurais oublié, je suis de nouveau célibataire ! » J’ai peut-être du mal à m’y faire c’est vrai, mais depuis notre rupture, j’ai eu pas mal d’aventures. Comme quoi, les vieilles habitudes ont la dent dure… « Enfin bon, je ne suis pas d’humeur à compter les points aujourd’hui… Je préfère qu’on passe un bon moment toutes les deux, d’accord ? » Elle acquiesce, même si je suis intimement convaincue que le sujet finira bien par revenir sur le tapis. Tout en nous dirigeant vers la caisse, Autumn me demande où je compte aller ensuite et c’est sans hésiter une seconde que je lui propose de nous rendre dans une boutique de lingerie. « Tu sais que j’adore ça et ça fait un petit moment que je ne me suis pas achetée de nouveaux ensembles… » lui dis-je en lui lançant un clin d’œil. On en a souvent discuté toutes les deux et elle sait que mes sous-vêtements font généralement forte impression sur mes conquêtes… Nous payons ensuite nos articles et Autumn en profite pour relancer le sujet. « Que je te dise qui sait qui ? » J’essaye de faire l’innocente, de gagner du temps, car ma situation est tellement clichée et ridicule que je sais déjà qu’elle va se foutre de moi. « Je ne vois absolument pas de quoi tu parles… »

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Autumn me donne parfois l’impression de parler dans le vide. Têtue et surtout de mauvaise foi, elle cherche constamment à avoir le dernier mot. Si la plupart du temps cet aspect de sa personnalité (que je partage moi-même) m’amuse, des jours comme celui-ci, ça m’exaspère au plus haut point. Qu’elle ne soit pas prête à tomber amoureuse ou qu’elle ait beaucoup de mal à l’envisager est quelque chose de parfaitement compréhensible, car elle est encore très jeune ; mais qu’elle le nie en bloc et décrète que c’est parfaitement impossible relève tout simplement du ridicule. Je suis passée par-là, j’ai été cette garce insouciante qui se croyait au-dessus de tout, mais je ne suis pas plus forte ou plus maligne qu’une autre ; moi aussi je me suis laissée avoir et qu’elle le veuille ou non, ça lui arrivera. Quoi qu’il en soit, je ne suis pas d’humeur à me battre avec elle, raison pour laquelle je préfère lâcher l’affaire. Je n’insiste pas non plus lorsqu’elle prétend avoir un tableau de chasse plus garni que le mien. Evidemment, j’apprécie moyennement ses sous-entendus, mais je suis venue ici pour passer un bon moment et il est hors de question qu’on gâche tout à cause de ce genre de concours débiles.

C’est donc bras-dessus, bras-dessous que nous nous dirigeons dans la prochaine boutique. A peine arrivée, je me dirige immédiatement dans le rayon de lingerie sexy, suivie de près par la brunette qui recommence à me parler de mes amours. Sur le coup je ne dis rien, mais en toute franchise, j’aimerais bien qu’elle change de disque. « Rose léopard ? Vraiment… T’es sûre que tu veux que je répondes à ça… » Je la toise de haut en bas et consciente que ce choix touche dangereusement au fashion faux-pas, elle repose immédiatement l’ensemble à sa place. Confiante et surtout persuadée que mon mutisme aura suffit à lui faire oublier son petit interrogatoire, je commence à farfouiller dans les soutiens gorges et lui propose plusieurs modèles susceptibles de nous plaire à toutes les deux, mais c’est sans compter sur sa ténacité légendaire. « Tu crois vraiment que si je m’étais remise avec Oliver, je serais encore ici, en train de faire du shopping… » je lance, légèrement acerbe. J’en conviens, j’aurais pu être plus douce, mais c’est sa faute, elle a le chic pour chercher la petite bête. « Quant au punk, ça n’a jamais été mon genre et tu le sais… D’ailleurs, il n’y a personne dans ma vie, je ne vois pas pourquoi tu insistes ! » Pour toute réaction, elle croise les bras sur sa poitrine. « Et même s’il y avait effectivement quelqu’un, ce serait impossible… Les choses sont beaucoup trop compliquées entre lui et moi… »

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« Ecoute, si tu veux pas en parler, je comprends. Oui, je suis curieuse mais je veux aussi savoir parce que c'est mon rôle non ? On est meilleures amies, on est supposé tout se dire. On ne fera jamais un truc aussi ringard que s'offrir des bracelets d'amitié mais tu vois le genre non ? Je veux juste m'assurer que t'es heureuse. Pas comme avec Oliver. » Je souris à sa remarque sur les bracelets d’amitié. L’image est amusante et surtout à des années lumières de la relation qu’on entretient toutes les deux ou de la conception qu’on se fait de l’amitié. Pour en revenir au sujet principal, au fond, je sais bien que ses questions partent d’un bon sentiment et qu’elle se contente simplement de jouer son rôle de meilleure amie, mais je n’ai vraiment pas envie de parler de tout ça. Si encore on avait la même vision des choses, j’dis pas, mais pour avoir essayé de lui faire entendre raison tout à l’heure, je sais qu’aborder le sujet ne mènerait nulle part, sauf peut-être à une discussion des plus stériles. Si Autumn refuse de comprendre que même les filles les plus volages et indépendantes peuvent tomber amoureuse, comment va-t-elle réagir en apprenant que je me suis à nouveau laissée charmer par un garçon tendre et sympathique ? A bien y réfléchir, Thomas et Oliver ne sont pas si différents. Physiquement, ils ne se ressemblent pas du tout, mais ils ont pour ainsi dire la même personnalité –si ce n’est que le brun à peut-être un peu plus de répondant que l’anglais, mais là n’est pas la question. Le problème, c’est qu’Autumn va le détester. Je le sais, je la connais trop bien et je n’ai vraiment pas envie de me fâcher avec elle. Pas encore. Mais est-elle prête à lâcher le morceau ? Non. Autumn est têtue, bornée, acharnée et elle ne mettra pas fin à son petit interrogatoire avant que je ne lui ai dit ce qu’elle voulait entendre.

« Oliver et moi, c’est du passé ! Et à l’avenir, j’aimerais autant que t’évites de m’en reparler, d’accord ? Je sais très bien ce que tu penses de lui et de notre relation, mais que ça te plaise non, on a été heureux tous les deux, en tout cas, au début… » je lâche en faisant mine de parcourir les rayons de lingerie. « Ça ne s’est peut-être pas terminé comme je l’avais espéré, mais il n’a pas tous les torts. Au contraire, il a essayé d’arranger les choses entre nous, c'est moi qui ai pris la fuite… Alors si ça ne te dérange pas, j’aimerais bien que t’arrêtes de lui casser du sucre sur le dos ! » Autumn ne dit rien, mais je vois bien que ça la démange. Pour elle, Oliver est un minable et il ne me mérite pas. Le pire dans tout ça, c’est qu’elle ne le connaît même pas. « Quant à l’autre garçon, je ne peux rien te dire. Si ce n’est que les choses sont compliquées, encore une fois… Pour faire simple, c’est le meilleur ami de Noah. Tu sais, mon meilleur ami d’enfance, celui avec qui j’ai couché et qui était amoureux de moi. Bref… On s’est embrassé et c’est vrai qu’il me plaît, mais on a tous les deux des remords par rapport à Noah. Vu qu’on vit tous ensemble, j’te dis pas l’ambiance… » Autumn reste silencieuse, mais je sais très bien ce qu’elle pense. « Vas-y, dis-le, je sais que ça te démange ! Tu penses qu’il n’y a pas plus cliché, c’est ça ? »

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Je n’ai pas l’habitude de l’entendre parler comme ça. En temps normal, Autumn se contente d’aborder des sujets légers et jamais encore elle ne m’avait fait de déclaration aussi touchante. Evidemment, je n’ai pas besoin qu’elle me le dise, car malgré nos nombreuses disputes, j’ai confiance en elle et je sais qu’elle sera toujours là pour moi, dans les bons moments, comme dans les mauvais –mais je suis tout de même touchée par son discours, même si je ne le montre pas. Seulement, je n’ai jamais supporté qu’on s’en prenne à Oliver et malheureusement pour elle, étant donné qu’elle s’acharne sur lui, elle fait forcément les frais de ma mauvaise humeur. Notre séparation a peut-être été difficile et le blondinet a incontestablement été très dur dans ses propos, mais ça ne changera jamais rien à l’affection que je lui porte. Même si nous ne sommes plus ensemble, même si je vois bien que mes sentiments pour lui évoluent de manière totalement différente et même si je tombe à nouveau amoureuse un jour, il gardera toujours une place de choix dans mon cœur –parce qu’il m’a aidé à grandir, à évoluer et ça, je ne l’en remercierai jamais assez. « D'accord, c'est bon, je promets. Si tu ne veux pas être une de ces filles qui prennent les photos de leurs exs pour les brûler et faire des rituels vaudoux sur eux, je comprends. Je m'en remettrai. » Non ? Elle capitule ? Sur le coup, je reste bouche-bée, car c’est bien la première fois que mademoiselle accepte de ravaler son orgueil –et si je n’avais pas eu peur d’envenimer les choses, je lui aurais probablement fait la remarque. « Merci ! D’autant qu’en parler ne nous as jamais réussi alors autant arrêter les frais… »

Nous continuons de farfouiller dans les rayons et comme elle ne me laisse pas vraiment le choix, j’évoque brièvement ce qui se passe avec Thomas. Si elle est amusée par la situation, elle se passe de me faire un quelconque commentaire. Encore une fois, j’apprécie, même si je sais que ce sera de courte durée. « Je te promets de ne plus jamais te parler de ta vie amoureuse si tel est ton souhait ! De toute manière, on trouvera bien un autre sujet de dispute » je lance, dans un clin d’œil, avant d’attraper un ensemble de couleur noire et rouge. « T’en penses quoi ? J’adore les push-up, surtout dans ce genre-là! Puis, le coloris est top ! » Comme je vois qu’elle approuve, je cherche ma taille et mets le modèle de côté. Il est un peu cher, mais vu qu’il m’a tapé dans l’œil, je ne rechigne pas à faire cette folie. Vient ensuite quelque chose de totalement innatendu, quelque chose qui me laisse pour ainsi dire, sur le cul. Autumn Davenport vient de me donner un conseil dit amoureux. Est-ce seulement possible ? « T’es sûre que ça va ? T’as de la fièvre ? » Pour toute réaction, la jeune femme lève les yeux au ciel, visiblement exaspérée par ma remarque. « Je me moque, mais c’est une très bonne remarque, j’te promets d’en tenir compte ! Bon, on va pas se prendre la tête avec ça 107 ans ! Les mecs sont des plaies qui nous gâchent la vie, c’est pas nouveau, mais ils ne vont quand même venir ruiner notre virée shopping ! Où tu veux aller, après ? »

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Autumn fait preuve d’une bonne volonté désarmante et je ne peux qu’esquisser un sourire navré lorsqu’elle me demande de ne pas la faire regretter de s’être montrée aussi conciliante. Le sujet Oliver étant définitivement clos, nous décidons d’aller essayer les modèles qui nous ont tapé dans l’œil. Mais auparavant, ma meilleure amie ne peut s’empêcher de lancer une petite plaisanterie concernant ma bisexualité, ce à quoi je réponds : « Je t’ai toujours dit que manger dans les deux gamelles, pour parler grossièrement, étant beaucoup plus rentable ! Quand tu te lasses d’un genre, tu vas voir l’autre ! C’est aussi simple que ça ! Tu sais, contrairement à ce que tu sembles croire, les femmes s’y prennent très bien elles-aussi, elles sont même parfois beaucoup plus douées que nos partenaires masculins ! Principalement parce qu’elles savent ce que tu veux… » je lance, dans un clin d’œil, avant d’ajouter « Tu devrais essayer ! » Pour toute réaction, la brunette secoue la tête. Ce n’est pas son truc, j’ai bien compris et je respecte son choix, mais ça ne m’empêche pas de la taquiner à ce propos à chaque fois que j’en ai l’occasion.

La séance d’essayages n’excède pas cinq minutes et c’est sans surprise que je choisis l’ensemble rouge et noir. Autumn, de son côté, opte pour des sous-vêtements bleu azur et une fois que nous sommes passées à la caisse, elle m’entraîne vers une boutique de robes de soirées. Si je connais bien l’enseigne, cela fait un certain temps que je n’y ai pas mis les pieds. Ce magasin regorge de robes de créateurs et si j’ai eu un jour les moyens de m’en offrir, ce n’est plus le cas. Alors, oui, j’ai toujours un petit pincement au cœur lorsque je passe devant ce type de boutiques, mais savoir que je vais devoir y entrer me donnerait presque envie de vomir. Si j’en parle à Autumn ? Non. Je ne voudrais surtout pas lui gâcher son plaisir. Je suis tellement distraite que j’oublie de lui demander de quelle soirée il s’agit, mais elle ne semble pas s’en formaliser, préoccupée par un autre sujet. « Oh god, attends. Tu te rappelles de la date d'anniversaire de mon frère ? C'est cette semaine non ? Ou alors c'était hier ? » Sur le coup, je ne lui offre guère mieux qu’un vulgaire haussement d’épaules. J’ai déjà du mal à me souvenir des dates d’anniversaires de mes proches, ce n’est pas pour retenir celles des autres. « Je suis sûre que cette peste a dû lui trouver le cadeau idéal. » Je lève les yeux au ciel, mais m’abstiens de tout commentaire. Il est hors-de-question qu’elle m’entraîne sur ce terrain-là. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a rien de pire qu’une querelle entre sœurs et je n’ai aucune envie d’y prendre partie. « Je crains comme soeur, c'est officiel… » Je rêve ou elle se lamenterait presque ? « Mais non. Cela arrive à tout le monde d’oublier, il ne t’en voudra pas ! Au pire des cas, tu inventes une excuse bidon… Ton portable est tombé dans les toilettes et comme tu ne connais pas son numéro par cœur, tu n’as pas pu lui téléphoner… Je te l’accorde, c’est pas terrible, mais en lui offrant un beau cadeau, ça devrait passer… »

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Ma meilleure amie ne partage pas mes goûts en matière de sexualité et je n’ai aucunement l’intention de l’y convertir. Non pas qu’elle soit repoussante, au contraire… Si on fait fi de son caractère de cochon ou de ses pics cinglants, elle est même très séduisante –mais je ne l’ai jamais considérée autrement que comme une amie. Et si j’ai retenu quelque chose de mes erreurs passées, c’est qu’il est tout à fait déconseillé de mélanger sexe et amitié. Comme tout le monde, j’ai voulu m’y essayer, pour finir par me brûler les ailes.

Tout en l’écoutant déplorer le fait qu’elle n’éprouve aucune attirance pour les femmes –ce qui, selon elle, lui faciliterait la vie – je règle mes achats et glisse ma carte bancaire dans mon sac-à-main, bel et bien décidée à ne plus l’en sortir, ou en tout cas, pas aujourd’hui. Si je me laisse facilement gagner par la fièvre acheteuse, j’ai tout de même appris à gérer mes pulsions et à me raisonner, ce qui, en fin de compte, n’est pas plus mal. Quand votre géniteur, en plus d’approvisionner généreusement votre compte en banque tous les mois, vous file de l’argent de poche, tout va bien. Vous êtes alors libres de vous octroyer n’importe quel plaisir… Mais quand il s’agit de gérer seule son budget et de travailler pour obtenir ce même argent, votre vision des choses change totalement. Vous devenez soudain plus raisonnable et moins dépensier. Vous finissez par réaliser qu’un petit sac à lanières ou des sandales compensées (chaussures que, soit dit en passant, vous avez déjà en différents coloris), aussi jolis soient-ils, n’ont rien de nécessaire – à bien y regarder, il vous paraissent tout de suite bien futiles. Aussi, lorsqu’Autumn m’entraîne dans cette boutique haute couture, mon estomac se serre. Le parallèle pourrait faire sourire, mais pour moi : entrer dans ce genre de magasin reviendrait presque à mettre une anorexique devant une assiette de graisse…

Avant d’y pénétrer, Autumn s’enquit de la date du jour, inquiète à l’idée d’avoir oublier l’anniversaire de son frère. Quand je lui fais comprendre que je n’ai aucune idée du jour de sa naissance, ma meilleure amie me fusille du regard, ce à quoi je réponds par un air courroucé. Quelle mauvaise foi, je songe, en l’écoutant rejeter mes arguments. « J’avais légèrement omis ce détail… » dis-je en réalisant qu’à bien y réfléchir, je connais très peu de choses sur sa vie familiale. Ça ne m’avait jamais traversé l’esprit auparavant, mais aussi loin que je m’en souvienne, je n’ai encore jamais mis les pieds chez elle et réciproquement. Étrange ? Pas vraiment. La brunette et moi-même avons pris l’habitude de nous retrouver en ville et je n’ai encore jamais ressenti le besoin de la faire venir à la maison –d’autant que l’occasion ne s’est pas présentée. Perdue dans mes pensées, je reporte tout de même mon attention sur elle pour écouter ses explications. Si j’ai toujours su que les choses étaient compliquées entre elle et sa demi-sœur, je pensais sincèrement que cela avait fini par s’arranger. « Vous vous détestez toujours autant ? Je pensais que les choses avaient évoluées depuis le temps… » Quoi qu’avec le caractère d’Autumn, c’est généralement assez difficile de mettre un terme aux hostilités. Sans même prendre la peine de répondre à mes questions, elle enchaîne en me suppliant presque de l’aider à trouver un cadeau pour son frère. « Euh… Je peux toujours essayer, mais je ne te promets rien. Tu sais, chaque être est différent et je doute que Nolan ait les mêmes goûts que Noah… » J’omets intentionnellement Thomas, car le sujet me met mal à l’aise. « Qu’est-ce qu’il aime ? Il doit bien avoir des passions… »

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Le fait que nous ne soyons encore jamais allées l’une chez l’autre pourrait surprendre, mais bizarrement, ça ne nous avait encore jamais traversé l’esprit. Maintenant, je suis bien forcée d’admettre que la perspective de me retrouver à siropter quelques cocktails dans sa piscine (que j’imagine immense) n’a rien de déplaisant, bien au contraire. En temps normal, j’aime autant éviter ce genre de situations qui ne manquent pas de me rappeler mon ancienne vie et me rendent mélancolique, mais ça fait parfois du bien de retomber dans ses vieux travers ; quelque part, on se dit que ce luxe n’avait rien de vital et on l’apprécie davantage. « C’est une idée » je lance, tandis qu’elle m’interroge sur la date d’anniversaire de son frère. Pour le coup, je ne lui suis pas d’une très grande aide et si mon incompétence en la matière semble la faire tiquer, ce n’est rien en comparaison du visage qu’elle affiche lorsque j’ai le malheur de m’étonner du fait qu’elle et sa demi-sœur ne se soient pas réconciliées. « C’est compliqué » lâche-t-elle, acerbe, coupant court à la conversation. Comme je n’ai aucune envie de me disputer avec elle, je ne cherche pas plus loin, jugeant préférable de la laisser se confier quand et si jamais elle ressent le besoin.

Bien que je ne connaisse pas très bien Nolan, je décide de lui venir en aide et demande alors à Autumn quels sont ses centres d’intérêts. La brunette prend un instant pour y réfléchir, mais ne semble pas très sûre d’elle. A dire vrai, les informations qu’elle me donne ne m’aident pas du tout. « Eh bien… on ne va pas aller loin avec ça » je plaisante, tandis qu’elle enchaîne avec quelques propositions de cadeaux. « Je ne dirais pas que c’est foncièrement impersonnel. Après, c’est sûr que ça n’a rien de très original ! Si tu te pointes avec un cadeau du genre, Nolan pourrait croire que tu essayes d’acheter son affection, ce qui pour le coup, aurait l’effet inverse de ce que tu recherchais ! Mais ne t’inquiètes pas, on a encore du temps devant nous, on va dénicher la perle rare ! » J’essaye de la rassurer et ça semble fonctionner, car elle retrouve instantanément le sourire. « Bon, on va les essayer ces robes ? » je lance dans un clin d’œil, avant de l’entraîner dans la boutique hors de prix devant laquelle nous étions en train de discuter.

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